Un noël, je me suis retenu d’offrir à un footeux un livre critique sur le football. Certainement était-il de Fabien Ollier - dont je vous invite à lire l’article ci-dessous transmis par un
camarade pour en donner à faire profit - que j’avais entendu parler.
Puisqu’il est question de compétition et, au dernier paragraphe, de l’article des valeurs de gauche voici ce que dit Jacques Généreux, économiste et membre du Parti de Gauche :
« ……L’être social aime la compétition sportive précisément parce quelle permet de con-courir : s’affirmer dans la compétition, dans l’effort pour gagner, mais dans un
esprit de jeu collectif……. ».
Est-ce bien l’objet de ce type de manifestation. Est-il question de con-courir, étymologiquement de courir ensemble, ou de concurrence ?
Si la Coupe du monde de rugby qui s’est déroulée en Afrique du Sud a été, selon le magnifique film de Clint Eastwood : Invictus, un élément important pour donner aux membres du
peuple arc-en-ciel l’occasion de nouer des relations, rien que pour cela elle méritait d’être et d’être là-bas. Cela dit, les organisateurs de ce type de manifestations, j’en suis convaincu, sont
davantage intéressés par les profits générés que par l’amélioration du sort des populations. Comme je suis convaincu que les pays qui souhaitent les recevoir sur leur sol ne font rien d’autre que
du marketing. A l’époque de l’Urss et de ses satellites tout un chacun avait conscience de ceci ; qu’en est-il aujourd’hui ?
Bon ! Je vous laisse à la lecture de l’article de Fabien Ollier.
Mais avant, pensons tous ensemble, si nous ne l’avons pas déjà fait, à changer notre téléviseur, notre canapé,... Oublions, qu’alors que vous serons scotchés, à trépigner, à sauter et à beugler,
que nous disputerons sur l’aile de pigeon ou telle autre figure de style, pendant ce temps on nous concoctera en toute tranquillité un projet de retraite, je ne vous dis que ça, du fait
main, dont nous aurons mérité amplement de l’avoir pour cause de désertion. Quant aux horreurs de ce monde, allez ! On verra après ! Elles savent attendre notre compassion.
Fabien Ollier, philosophe et directeur de la revue "Quel sport
?"
"La Coupe du monde, une aliénation planétaire"
LEMONDE.FR | 10.06.10 | 10h32 • Mis à jour le 10.06.10 | 12h56
Fabien Ollier est directeur de la revue Quel
sport ? Il a publié un grand nombre d'ouvrages participant de la critique radicale du sport dont notamment L'Intégrisme du football en 2002, Footmania en 2007, Le Livre noir des J.O. de
Pékin en 2008. A quelques jours de l'ouverture de la Coupe du monde de football, Fabien Ollier dresse un état des lieux sans concession de cette grand-messe planétaire orchestrée par "la
toute-puissante multinationale privée de la FIFA".
Vous comparez le sport en général, le football en particulier, à une aliénation planétaire. Que vous inspire la Coupe du monde ?
Fabien Ollier : Il suffit de se plonger dans l'histoire des Coupes du monde
pour en extraire la longue infamie politique et la stratégie d'aliénation planétaire. Le Mondial sud-africain ne fait d'ailleurs pas exception à la règle. L'expression du capital le plus
prédateur est à l'œuvre : les multinationales partenaires de la FIFA et diverses organisations mafieuses se sont déjà abattues sur l'Afrique du Sud pour en tirer les plus gros bénéfices
possibles. Un certain nombre de journalistes qui ont travaillé en profondeur sur le système FIFA ont mis en évidence le mode de fonctionnement plutôt crapuleux de l'organisation. Ce n'est un
secret pour personne aujourd'hui. De plus, il y a une certaine indécence à faire croire que la population profitera de cette manne financière. Le nettoyage des quartiers pauvres, l'expulsion des
habitants, la rénovation luxueuse de certains townships ont été contrôlés par des "gangs" qui n'ont pas l'habitude de reverser les bénéfices. Avec la majorité de la population vivant avec moins
de 2 euros par jour, cet étalage de richesse est pour le moins contestable.
Le déploiement sécuritaire censé maintenir l'ordre, assurer une soi-disant
paix civile n'est autre en réalité que la construction d'un véritable Etat de siège, un Etat "big brother". Les hélicos, les milliers de policiers et de militaires ne sont là que pour contrôler,
parquer la misère et protéger le luxe, pour permettre aux pseudo-passionnés de football de "vibrer". La mobilisation de masse des esprits autour des équipes nationales induit la mise en place
d'une hystérie collective obligatoire. Tout cela relève d'une diversion politique évidente, d'un contrôle idéologique d'une population. En temps de crise économique, le seul sujet qui devrait
nous concerner est la santé de nos petits footballeurs. C'est pitoyable.
Pourtant, les Français sont plutôt critiques avec leur équipe nationale.
On assiste plutôt à la réduction de chaque citoyen en analyste de café des
sports par un processus d'identification. C'est un supportérisme obligatoire déguisé en "pensée critique", dans les bons comme dans les pires moments. Il existe en réalité une propension du plus
grand nombre à réclamer sa part d'opium sportif. Mais pour que le désamour des Français à l'égard des équipes de mercenaires millionnaires évolue en véritable prise de conscience, je souhaite que
l'équipe de France ne passe pas le premier tour. Leur manière de jouer si mal tout en étalant de manière indécente un rythme de vie particulièrement nauséabond est la preuve d'une morgue terrible
vis-à-vis de quelques principes éthiques et moraux élémentaires. Malheureusement, chaque victoire de l'équipe de France fait reculer de plusieurs centimètres la pensée critique dans ce pays. Je
n'apprécie pas le développement du totalitarisme sportif. Nous venons d'en finir avec Roland-Garros, le Mondial prend place et nous aurons ensuite le Tour de France. Le système des retraites peut
être pulvérisé en silence.
Comment appréhendez-vous alors le succès français en 1998 analysé et célébré par de nombreux intellectuels comme un événement positif dépassant le simple
cadre sportif ?
La victoire de l'équipe de France a généré une défaite de la pensée. De
nombreux intellectuels ont choisi de descendre dans les vestiaires au lieu de s'emparer de domaines sociopolitiques d'importance. Ils mettent en œuvre une pensée caricaturale qui consiste à
constater amèrement les dérives du sport mais à noyer le tout dans un discours idéaliste sur les "valeurs positives" du sport : "Oui, le sport entraîne parfois des comportements limites mais je
ne peux pas faire autrement que de m'y laisser prendre". Trop d'intellectuels ont succombé aux "passions vibratoires" et aux "extases" sportives ; ce sont eux qui légitiment à présent
l'horreur sportive généralisée : violences, dopage, magouilles, crétinisme des supporters, etc.
Votre thèse réfute l'idée du football ou du sport en général comme simple reflet de la société avec son lot de violences.
En effet, une grande partie de ceux qui défendent le sport et le football
les dédouanent en leur conférant un simple effet miroir d'une société violente. "On ne peut pas demander au football d'être moins violent que la société". A mon sens, il n'est pas seulement le
reflet, le football est également producteur de violences sociales, générateur de violences nouvelles. Il impose un modèle de darwinisme social. Cela tient à sa structure même : le football
est organisé en logique de compétition et d'affrontement. Jouer ce spectacle par des acteurs surpayés devant des smicards et des chômeurs est aussi une forme de violence. Une logique
contradictoire se fait d'ailleurs jour. D'un côté, les supporters ont conscience du fait que les sportifs gagnent des sommes folles par rapport au néant qu'ils produisent mais de l'autre côté,
dans une soif d'identification liée à leur propre misère, il y a une impossibilité à ne pas "rêver" devant cette marchandise vivante qui démontre que l'on peut se hisser au sommet de
l'échelle.
Une autre image d'Epinal du football lui attribue un rôle d'exutoire des
nationalismes et des guerres.
La symbolisation de la guerre n'existe pas dans les stades, la guerre est
présente. Le football exacerbe les tensions nationalistes et suscite des émotions patriotiques d'un vulgaire et d'une absurdité éclatants. Je réfute l'idée d'un procès de civilisation. Le sport
provoque une forme de violence différente, moins évidente qu'une bombe mais ne participe absolument pas à un recul de la violence. Il y a de multiples coups d'épingle à la place d'un grand coup
d'épée.
Vous regrettez le ralliement de la gauche aux valeurs de droite
léguées par le sport de pointe. En quoi consiste-il ?
Le sport est indéniablement politique. A ce titre, il génère des valeurs
politiques. Il est intéressant d'essayer de savoir si ces valeurs sont de droite ou de gauche. Il me semble que la gauche a rompu avec ses valeurs pour se rallier au modèle de droite fondé sur le
principe de rendement, de hiérarchie et de compétition. Voir Marie-George Buffet dénoncer le foot-spectacle et se retrouver en finale de la Coupe du monde 98 vêtue du maillot et criant ses
encouragements à l’équipe de France, c’est assez schizophrénique. Il y a une défaite politique de la gauche vis-à-vis de la stratégie de développement capitalistique effectuée
par le sport de pointe à travers les multinationales privées qui l’organisent tels que la FIFA, l’UEFA et le CIO. L’exemple de l’attribution de l’Euro 2016 à la France est frappant. A gauche, les
Verts, le PCF ont signé une lettre de soutien à la FFF. Par cet acte, ils ont fourni un blanc-seing à toute forme de la dilapidation de l’argent public. En période de crise,
comment la gauche peut-elle ne pas être sensible à l’attribution d’une enveloppe d’1,7 milliards d’euros à la rénovation des stades ? Il parait incroyable que cela soit des multinationales
privées qui décident de ce qu’un Etat doit mette en œuvre en matière de politique économique.