L’urbanisme n’est pas un sujet neutre. Sa mise en œuvre obéit à une représentation politique, sociale, économique, personnelle, consciente ou inconsciente. Sa réalisation est tout autant, sinon plus, transformatrice du monde qu’un projet qui discourt. Pourtant la réflexion politique ne s’arrête guère, sinon à l’occasion, sur cette question, ses motifs et ses conséquences.
Lorsque Blanche de Castille, mère de Louis IX, décide la construction de la ville basse de Carcassonne elle fait dessiner un carré aux rues perpendiculaires en réaction au défi au pouvoir royal que pose la Cité ; ainsi les ardeurs des populations qui vont s’y implanter pourront-elles être contenues par les armes. A l’époque de Napoléon III, la percée des grands boulevards parisiens obéit à ce même objectif, même s’il est question de modeler une ville moderne, de vider les poches d’insalubrités, de remédier aux encombrements,…..
Dans son souci de modifier en profondeur la société, Richelieu s’attache à penser la création de la ville qui a paru quelques siècles avant. De cet instant naît la famille et l’enfant dans la conception moderne que nous en avons, l’enfant étant au préalable élevé par la rue.
Quelques années plus tard, Louis XIV fait surgir du néant Versailles afin de tenir les seigneurs en laisse.
La notion de laisser l’empreinte de son passage n’est pas absente des réalisations urbaines commandées. Avant la 2ième guerre mondiale, Marquet, maire de Bordeaux s’attache à la construction d’édifices (piscine municipale, régie du gaz, abattoirs,..). Plus tard, G. Frèche développe d’abord Antigone et transforme Montpellier. Mitterrand fait construire l’Opéra Bastille, la Grande Arche, la Pyramide du Louvre, la Bibliothèque,…Sarkozy pour ne pas être en reste, dans l’approche qu’il a de la société, souhaite développer le quartier de la Défense. L’empreinte ne souffrant pas le médiocre, dans bien des cas, il est fait appel à des architectes réputés.
L’urbanisme témoigne aussi du désir d’étaler cette forme de suprématie, voire d’orgueil, qu’est la richesse sonnante. Ainsi les Emirats n’ont-ils de cesse que de construire toujours plus hauts (jusqu’à la déconfiture), imités en cela par de nombreux autres pays - le plus souvent nouveaux sur la scène internationale où ils doivent prendre rang -, où de gagner sur la mer.
En son temps, Brasilia sort de terre, certes pour être la capitale centrale au Brésil, certes pour remplacer Manaus à l’évidence déchue, tout autant pour montrer l’émergence d’un pays puissant et neuf.
Les corons avaient pour objectif de fixer et d’assujettir les mineurs. Les « barres » d’après guerre celle de donner un toit aux populations défavorisées et de nettoyer des violences urbaines, ce faisant, de les déménager du centre des villes livré au commerce et à la propriété bourgeoise. Dans cet état d’esprit la banlieue (étymologiquement le lieu réservée au ban de la société) apparaît, avec les infrastructures, gourmandes d’énergie, nécessaires au déversement de la main d’œuvre délocalisée. En même temps la banlieue vide la ville de « l’indésirable » pour y installer « le riche ».
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La ville, l’urbanisation, l’habitat … est voulu, pensé par quelques uns, subi par le plus grand nombre. Le citoyen aurait grand tort de ne pas s’y intéresser.