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6 décembre 2018 4 06 /12 /décembre /2018 06:39

Le lien qui suit propose une explication, claire et simple, de la laïcité. Claire et simple. Une explication qui devrait satisfaire ceux qui se sentent un peu perdus à l’occasion d’un fait ‘divers’ et ne savent comment l’interpréter et se positionner. Une réponse aux partisans d’une laïcité à géométrie variable, ouverte, …, qui, manifestement, trop occupés à discutailler n’ont jamais approfondi sa signification, son exigence qui est le vivre ensemble dans le respect les uns des autres.

 

 

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1 juillet 2018 7 01 /07 /juillet /2018 20:10
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20 avril 2018 5 20 /04 /avril /2018 15:41

Source : http://www.gaucherepublicaine.org/combat-laique-combat-social/lettre-ouverte-au-president-de-la-republique-sur-ce-quest-et-nest-pas-la-laicite/7401492

*

C’est en toute connaissance de cause que vous avez répondu avec solennité à l’invitation inédite que vous avez reçue de la Conférence des évêques de France. Vous venez ainsi de confirmer avec éclat toutes vos interventions précédentes devant ceux que vous qualifiez de « représentants des autres religions » quand bien même « la République ne reconnaît aucun culte » comme institution publique depuis la loi de 1905. Permettez que j’use librement de ma liberté d’analyse et que je décrypte votre long discours pour en révéler tout le sens caché qui n’a pu échapper qu’aux lecteurs trop pressés.

Aux évêques qui vous demandaient un « dialogue permanent » vous avez répondu d’emblée que vous partagiez avec eux « le sentiment que le lien entre l’Église et l’État s’est abimé et qu’il vous importe à vous et à moi de le réparer ».

Pourquoi affirmer d’emblée un « lien » entre l’Église et l’État ?

La séparation entre les religions et l’État instituée par la loi de 1905 exige que tous les fonctionnaires, et d’abord le premier d’entre eux, vous-même, soient tenus non seulement au devoir de réserve mais plus encore à la neutralité laïque afin de respecter l’égalité de droits de tous les citoyens et citoyennes aux opinions religieuses ou philosophiques si diverses. Vous aviez déjà rejeté ce principe de neutralité laïque en arguant que « d’après la loi de 1905, c’est la République qui est laïque, pas la société ». Certes la société rassemble des personnes fort diverses par leurs origines, leurs cultures, leurs religions, leurs philosophies, et chaque individu peut penser et agir selon sa liberté de conscience comme le garantit la République. Mais vous ne pouvez ignorer qu’il n’y a pas de société démocratique et de vie collective qui ne repose sur les principes de liberté et d’égalité, et que la laïcité, définie par ces principes, est la condition du respect mutuel de tous dans le respect mutuel de chacun. A titre privé vous êtes libre de vous déclarer laïque ou pas laïque, catholique ou mécréant, mais pas en tant que Président de la République ! sauf à déroger au devoir de votre fonction !

En quoi ce « lien » se serait-il « abimé » ?

Vous déplorez comme les évêques que « ce pays de France ne ménage pas sa défiance à l’égard des religions » et que le catholicisme soit devenue « une minorité militante contrariant l’unanimité républicaine ». Mais en quoi l’État serait-il responsable de la désaffection des églises et de la sécularisation d’une société où les incroyants et agnostiques sont aujourd’hui majoritaires ? Que je sache depuis 1958 la République s’est montrée bonne fille à l’égard de l’Église en finançant à parité les églises confessionnelles, en leur conférant même la mission de service public, en leur accordant toujours plus de privilèges tout en les dispensant des charges de l’enseignement public. En 1996, la Conférence des évêques, rappelez-vous, se félicitait des « concessions » de l’État à la « laïcité publique » et reconnaissait « le caractère positif de la laïcité […] non pas telle qu’elle a été à l’origine, mais telle qu’elle est devenue ». Que veulent de plus aujourd’hui les évêques de France ?

Pour vous, les tensions actuelles ne seraient pas « le fruit d’une décision de l’Église » mais « le résultat de plusieurs années pendant lesquelles les politiques ont profondément méconnu les catholiques de France » et « ont trouvé toutes les raisons de ne pas écouter les catholiques ». Aurait-il fallu pour que « les inquiétudes des catholiques » soient entendues que les dogmes de l’Église demeurent la norme publique niant ainsi la liberté des femmes à disposer de leur corps et l’égalité des droits des homosexuels ? Admettez que ce sont des mouvements se réclamant du catholicisme, avec souvent le soutien direct du clergé et de certains évêques, qui ont instrumentalisé la foi religieuse pour s’opposer dans la rue aux lois de bioéthique et sur le mariage pour tous. Leur droit de manifester a été respecté et les lois votées n’ont jamais été imposées de force à ceux qui n’en partagent pas l’éthique, pourvu qu’ils respectent la liberté et l’égalité des autres. Pourquoi voudriez-vous encore bloquer les recherches sur les cellules souches et interdire demain le suicide assisté puisque vous, catholiques, resterez absolument libre de vivre, d’aimer et de mourir comme vous l’entendez !

Pour « réparer » ce « lien abimé » il n’est, dites-vous, « pas d’autre moyen qu’un dialogue en vérité ». Mais, au préalable, un gage de bonne volonté de l’Etat vous semble nécessaire puisque vous vous engagez à accroitre encore la place des « représentants » es qualité des religions dans le Conseil national d’éthique sous prétexte d’« enrichir » les débats !

Dialogue entre qui et qui ?

Dialogue avec l’Église de France que vous reconnaissez comme une « institution », une « autorité » et même une « juridiction » ! Que je sache l’Église catholique n’est plus depuis la loi de 1905 un « établissement public du culte », plus une « institution de droit public » comme elle le fut sous le régime concordataire des cultes reconnus de 1802 à 1905. Elle est un organisme de droit privé à but non lucratif comme toutes les autres associations, partis ou syndicats. Que je sache le droit canon ne s’applique qu’aux clercs, soumis par ailleurs au droit commun que l’Église a bien du mal à admettre dans les affaires de pédophilie ! Voudriez-vous lui conférer un statut d’« institution » spécifique ou lui reconnaitre une « autorité » privilégiée ?

Vous citez quarante fois l’Église, et cinq fois la papauté, mais seulement quinze fois les « catholiques » : vous vous adressez bien plus au haut clergé qu’aux fidèles contrairement à ce qu’affirme l’éditorial du Monde. Alors que la République ne connait que des citoyens et des citoyennes dans la diversité de leurs opinions et de leurs pratiques, vous voulez que l’État entretienne un dialogue privilégié, comme exigé par les papes Jean-Paul et Benoit XVI, avec une hiérarchie de clercs auto-investis et sensés représenter des croyants. Au profit d’un néo-cléricalisme conquérant et au péril de la laïcité de l’État ! Sachez cependant que Ferdinand Buisson, un des pères de la loi de 1905, précisait en 1904 que « la laïcité consiste à séparer les Églises de l’État, non pas sous la forme d’une partage d’attributions entre deux puissances traitant d’égal à égal, mais en garantissant aux opinions religieuses les mêmes libertés qu’à toutes les opinions. »

Dialogue avec l’État laïque dont vous vous dites le « chef » même si l’État ne se réduit pas à votre personne. Vous êtes soumis, ne l’oubliez pas, au respect de la Constitution et des institutions. Mais vous préférez vous présenter comme « chef de l’État » plutôt que comme « président de la République ». « Je suis, dites-vous, comme chef de l’État, garant de la liberté de croire et de ne pas croire ». Vous répétez à la fin de votre discours que vous assurerez à tous vos « concitoyens » « la liberté absolue de croire comme de ne pas croire » mais que vous leur demanderez de « toujours respecter absolument et cela sans compromis aucun les lois de la République ». Cela suffit pour que le ministre de l’intérieur et nombre d’éditorialistes du Figaro à Libération vous accordent avec légèreté un brevet en laïcité.

Je ferais deux objections.

1°) Vous vous défendez d’être « le promoteur d’une religion d’État substituant à la transcendance divine un credo républicain ». Mais la laïcité n’a jamais été en France une religion civile ni une hostilité à la croyance religieuse, car elle a été fondée sur les principes des droits naturels des êtres humains auxquels vous ne vous référez jamais dans ce discours alors que vous ne cessez de rappeler les « devoirs de l’homme » et de vous réclamez de la « transcendance divine ».
2°) Vous définissez la laïcité comme « une règle d’airain pour notre vie ensemble qui ne souffre aucun compromis, une liberté de conscience absolue et cette liberté spirituelle que je viens d’évoquer ». Curieuse façon de compléter la liberté de conscience assurée par la République par votre conception particulière de la « liberté spirituelle ». Pensez-vous qu’il n’y a de spiritualité que religieuse ? Pensez-vous que la République ne se fonde pas sur des principes idéaux ? Voulez-vous dire qu’il faut réconcilier les « droits de l’homme » et les « devoirs envers Dieu » ? Vous invoquer la liberté de religion et d’expression mais jamais l’égalité des droits entre croyants, agnostiques et athées, et jamais la devise républicaine ! Ferdinand Buisson écrivait pourtant que « l’État laïque et souverain doit être neutre entre tous les cultes, indépendant de tous les clergés, dégagé de toute conception théologique. »

Un « dialogue permanent » légitimé par quoi ?

« Ce dialogue est indispensable, et si je devais résumer mon point de vue je dirais qu’une Église prétendant se désintéresser des questions temporelles n’irait pas au bout de sa mission, et qu’un président de la République prétendant se désintéresser de l’Église et des catholiques manquerait à son devoir. » Bafouant ouvertement le principe de séparation, vous présentez l’Église et l’État comme des partenaires et des alliés suivant un « chemin commun » bien que relevant de « deux ordres institutionnels différents »

Sous prétexte de fonder un « monde nouveau », vous ne faites que reprendre les schémas de la plus traditionnelle théologie thomiste et jésuite : l’Eglise et l’Etat appartiennent à deux ordres spécifiques car la première, dépositaire de la vérité du Christ et affirmant la transcendance de l’homme, dispose du pouvoir spirituel, de la potestas divine, alors que le second, d’ordre séculier, n’a reçu que le pouvoir temporel, l’auctoritas politique. Les deux pouvoirs sont distincts, autonomes, mais pas séparés, car ils ont la même finalité, assurer le salut des croyants. L’Église doit se soucier des choses temporelles et les catholiques doivent témoigner de leur foi par leur charité et leur humilité. Mais l’État bien qu’autonome doit servir les orientations spirituelles de l’Église. Je n’extrapole pas : vous justifiez « la nécessité de ce dialogue car nous vivons chacun dans notre ordre à des fins communes qui sont la dignité et le sens ». La distinction entre les pouvoirs spirituel et temporel relève du langage d’Église et n’est en rien synonyme de la laïcité qui est un principe juridique et politique fondant la société sur les principes de liberté et d’égalité de tous les êtres humains.

Vous êtes plus qu’à l’écoute de « la voix de l’Église », vous l’avez adoptée : « nous l’écoutons avec intérêt, avec respect et même nous pouvons faire nôtre nombre de ses points. » Certes, vous déclarez aussitôt qu’à l’égard de l’État cette voix « ne peut être injonctive », mais qu’elle peut être « questionnante ». Philippe le Bel et Louis XIV l’avaient déjà fait déclarer par leurs légistes définissant les « libertés gallicanes ». Rien de nouveau comme le révèle votre conception des rapports entre l’Église et la nation dans l’histoire !

Un dialogue pour « réparer » ?

Un historien ne peut que s’étonner de ce verbe « réparer » : la « réparation » appartient au vocabulaire des prélats catholiques depuis la Contre-Réforme et plus encore des papes ayant condamné comme « diaboliques » les idéaux de 1789, mais aussi des opposants les plus acharnés à la loi de séparation des Églises et de l’État et à la suppression du budget des cultes en 1905.

Je ne vous soupçonne pas de vouloir réactiver tout le conflit entre l’Église catholique et la France mais je ne peux que m’interroger sur votre affirmation « des liens les plus indestructibles entre la nation française et le catholicisme » depuis les temps les plus anciens jusqu’aux tragédies les plus récentes. Sous la monarchie de droit divin, ce « lien » entre l’Église catholique et l’État confessionnel était « consacré » et le roi « sacré » ; mais on ne parlait encore que de « nation picarde » ou « provençale », pas encore de « nation française ». C’est en juillet 1789 que la « Nation française » est enfin définie comme « la personne juridique composée par l’ensemble des individus composant l’État » au moment où elle est proclamée souveraine, suite à l’abolition du lien organique entre l’Eglise et la monarchie de droit divin. Sachez qu’en 1789 et 1790 l’Assemblée constituante a refusé que le catholicisme reçoive le statut de « religion d’Etat », ou de « religion de la nation » et pas même de « culte reconnu ». La séparation entre l’Eglise et l’Etat vient de loin !

Vous semblez ignorer en effet que la Nation française s’est constituée en dépit de l’hostilité de l’Eglise catholique aux idéaux de 1789, que celle-ci a béni la Restauration monarchique en 1815, appuyé le parti de l’Ordre en 1851 et conspiré entre 1898 et 1906 contre la République comme les archives du Vatican le prouvent. La « part catholique de la France » est bien peu républicaine et « la sagesse de l’Eglise » n’a guère « enrichi » la nation, même si l’Eglise a fini par accepter le régime républicain pour ne pas perdre plus encore de catholiques ralliés à la démocratie.

Vous ne faites allusion aux catholiques « résistants de 1940 » que pour faire oublier « la divine surprise » que l’Eglise de France a éprouvé en se ralliant au régime de l’État français de Vichy. Et puisque vous invoquez le général De Gaulle, sachez qu’il exigea du Vatican une épuration radicale de l’épiscopat français sans obtenir vraiment gain de cause en 1945. Sachez encore qu’à une délégation des cardinaux et du nonce apostolique venus lui demander en 1958 de supprimer l’épithète « laïque » de l’article 1er de la Constitution il répondit : « Nous pouvons penser que la France est catholique par son histoire, mais la République est laïque ». Ce qui ne l’empêcha pas d’accorder un an après la loi Debré pour sauver l’enseignement confessionnel. Même s’il avait été élève comme vous des jésuites, il connaissait mieux que vous l’histoire de la France et ne demanda jamais aux catholiques de s’engager en tant que catholiques.

Un dialogue pour « engager » les catholiques « en politique »  ?

Vous demandez aux catholiques de faire « don de leur engagement ». Vous les incitez ouvertement à passer de l’engagement caritatif et associatif à un « engagement politique profond pour notre pays et pour l’Europe » afin qu’ils aient « une voix sur la scène politique nationale et européenne. ». Que vous vouliez les arracher à l’emprise du Front National et des Républicains est de bonne guerre mais ne légitime en rien l’appel que vous leur lancer pour rallier « En marche » sous prétexte que la précédente Conférence des évêques ai appelé fin 2016 à « retrouver le sens du politique ». Non content d’appeler à une résurgence de la démocratie-chrétienne, vous traiter les catholiques français comme une « communauté » homogène assignée à leur religion en faisant fi de leur liberté d’engagement personnel.

Pire encore, vous invitez l’Eglise à se mettre au service de l’Etat et à « initier, entretenir et renforcer le libre dialogue avec l’islam», à prendre la tête du « dialogue interconfessionnel » et à repenser « la relation entre religions, société et puissance publique ». Vous lui reconnaissez même une place centrale dans la refondation de toute la société car « elle sait guider les plus fervents comme les non-baptisés, les établis comme les exclus » et qu’elle partage avec la Nation française la « capacité à penser les universels ». Vous instituez le catholicisme comme le tuteur de toutes les religions et des non-croyants.

Ce faisant vous bafouez ouvertement la fonction que la nation souveraine vous a confiée. Ainsi vous justifiez le souci particulier que vous accordez prioritairement aux catholiques et à l’Eglise de France par « une exigence chrétienne importée dans le champ laïc de la politique ». Vous prétendez agir ainsi « d’un point de vue de chef d’Etat, d’un point de vue laïc ». Mais ici la sémantique vous piège et vous dévoile tel que vous êtes vraiment : vous vous dites « laïc » et non pas « laïque » : le vieil adjectif « laïc » relève du vocabulaire ecclésiastique et désigne le chrétien non consacré au service du clergé. Est « laïc » dit Le Littré, qui n’est ni ecclésiastique ni religieux », qui n’est pas membre du clergé mais qui y est soumis. Par contre, être « laïque », c’est depuis la Révolution française être au service du « laos », du peuple uni tout entier dans le respect de la diversité de toute la société.  Les deux adjectifs, communément confondus par les journalistes, ne sont pas synonymes ou équivalents, ils sont différents et même contradictoires !

Vous vous comportez plus en « fils aîné de l’Eglise » qu’en Président de la République. Vous aviez déjà dénoncé une « radicalisation de la laïcité » que l’Eglise qualifie de « laïcisme ». Vous avez déjà déclaré que « la laïcité ce n’est pas la négation des religions, c’est la capacité à les faire dialoguer dans un dialogue permanent ». La laïcité n’est certes pas l’athéisme, mais ce n’est pas non plus l’œcuménisme, ni même l’égalité de traitements des religions.

Vous venez d’illustrer ce qu’est en réalité la dite « laïcité de reconnaissance », la dite « laïcité de collaboration » entre Eglise et Etat prônée par tous les champions d’une « laïcité ouverte », « positive » et « européenne ». Vous venez de démasquer la « laïcité apaisée ». En fait, vous instrumentalisez votre foi et celle des catholiques pour justifier votre politique au service du libéralisme et du capitalisme. Vous prônez un néo-cléricalisme qui devrait être le complément d’âme à un monde sans âme.

Jean-Paul SCOT, historien, auteur de « l’Etat chez lui, l’Eglise chez elle ». Comprendre la loi de 1905, Paris, Points Histoire, Seuil, 2005 et 2015, 408 p.

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19 avril 2018 4 19 /04 /avril /2018 17:34

Source : http://www.gaucherepublicaine.org/chronique-devariste/reparer-le-lien-entre-leglise-et-letat-ou-separer-leglise-et-letat/7401482

 

Emmanuel Macron démarre fort devant ses amis évêques : « nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Église et l’État s’est abîmé, et qu’il nous importe à vous comme à moi de le réparer. » Cette phrase provocatrice et toutes celles qui l’ont suivie ont entraîné des réactions pavloviennes des groupes laïques en défense de la loi de 1905. Bien sûr, le discours macronien est une forte atteinte à la loi de 1905. Disons seulement  que cela ne suffit pas d’être un gardien du temple pour empêcher sa destruction. Pour promouvoir la liaison du combat laïque et du combat social, il faut analyser le réel dans l’église, dans la réalité sociale et politique, et voir alors ce que nous devons faire pour nous remettre sur le chemin de l’émancipation et donc en conséquence avec le retour à une séparation des églises et de l’Etat telle qu’elle fut votée le 9 décembre 1905 et avec l’application des trois circulaires de Jean Zay du Front populaire réactivées par la loi du 15 mars 2004.

Bien sûr, l’ensemble du discours d’Emmanuel Macron est un appel à continuer le détricotage de la loi de 1905. Mais il est plus que cela, il annonce le système et le mode d’alliances du mouvement réformateur néolibéral pour les 4 ans qui viennent. Que ne peuvent pas voir ceux qui ne lient pas le combat laïque au combat social. Que ne peuvent pas voir ceux qui négligent de regarder la dérive néo-concordataire du mouvement réformateur néolibéral visant à intégrer dans le système d’alliances dominant l’église la plus puissante et si possible toutes les autres. Tout simplement parce qu’ils ne veulent pas comprendre que l’alliance du néolibéralisme avec les communautarismes et les intégrismes est une alliance aussi nécessaire pour le capitalisme d’aujourd’hui que le développement de la démocrature.

Analyser l’évolution de l’Eglise catholique en parallèle de l’évolution du mouvement réformateur néolibéral

Après le soutien de la hiérarchie de l’Eglise catholique de France au régime de Pétain, l’église doit, pour survivre, modifier son orientation. C’est le rôle de Vatican II qui retisse le lien entre la gauche catholique et son église, permet le développement de l’engagement de cette gauche catholique en politique.

Mais très vite, la résistance interne dans l’Eglise s’organise contre cette orientation. L’Opus dei, organisation de l’extrême droite catholique, ne reste pas de ce point de vue les deux pieds dans le même sabot. La mort suspecte de Luciani alias Jean-Paul Ier, jamais autopsié, permet à un membre de l’Opus dei, Woytila, alias Jean-Paul II, de prendre le pouvoir au Vatican et de nommer suffisamment de cardinaux pour permettre de garder l’extrême droite au pouvoir au Vatican par la papauté de Ratzinger, alias Benoît XVI. L’alliance de fer entre l’impérialisme américain et le Vatican d’alors dans la bataille contre l’URSS et le communisme est aujourd’hui bien connue. A la chute de l’UURSS, il s’agit de mettre aussi à bas le régime yougoslave ; le Vatican et l’Allemagne sont les premiers États à reconnaître le régime croate, démarrage du conflit pour la destruction de l’ex-Yougoslavie qui fera plus de 200 000 morts, avec la « neutralité » de la France socialiste et de l’ensemble de l’Union européenne.

Mais plusieurs éléments vont changer la donne. Des scandales à répétition de pédophilie minent l’édifice papal car le mal est bien plus important que ce que rapporte la presse. Des scandales financiers font plus qu’éclabousser le Vatican. La chute de l’URSS modifie la stratégie du Vatican et ravive les divisions dans la Curie. L’élection  au Vatican de Bergoglio, alias François, est un adjuvant pour  la division de la Curie.

Malgré un engagement très remarqué pour l’écologie et le lien affirmé avec la question sociale développé par l’encyclique Laudato Si, une extrême droite catholique relookée se développe autour du retour à certains dogmes tombés en désuétude et de la volonté de revenir en politique. La conférence des évêques français résiste difficilement à ce développement de l’extrême droite catholique. Puis, la Manif pour tous, mobilise des centaines de milliers de personnes. Un parti d’extrême droite en est issu, Sens commun, qui intègre LR et permet à Fillon de terrasser Juppé et Sarkozy dans la primaire de droite. Mais Fillon n’est plus le candidat de l’oligarchie capitaliste et l’électorat de la droite catholique modérée vote pour Macron, nouveau préposé gérant du capital.

Le discours du président de la République devant la conférence des évêques vise à aller plus loin qu’une simple alliance électorale. Le dispositif macronien pressent, comme conséquence de sa politique anti-sociale, une perte de soutien d’une partie de son électorat. Comme il sait qu’en tant que gérant du capital, il ne peut pas freiner de lui-même cette politique anti-sociale, il a donc besoin maintenant d’un soutien politique plus affirmé de la part de l’Eglise catholique dans une sorte de démocrature chrétienne d’un nouveau genre.
Notamment pour faire reculer LR soutenu par l’extrême droite catholique mais fortement représenté chez les maires et élus municipaux dont l’élection est prévue soit en mars 2020 soit en mars 2021.

L’agenda politique va nous renseigner sur les suites concrètes du discours macronien

D’abord,  nous attendons la deuxième lecture de la loi (et de son article 38) « Pour un État au service d’une société de confiance ». Alors que le lobby catholique avait réussi à mettre tous ses amendements dans le projet de loi soumis à la commission des lois de l’Assemblée nationale, ce même lobby a réussi à les réintroduire par un vote solennel au Sénat. On attend de voir si le nouveau discours du président aux évêques aura une suite législative sur les amendements de l’article 38 contre la loi de 1905 : possibilité pour les associations cultuelles de gérer des immeubles de rapport avec exemptions d’impôts, suppression du droit de préemption de l’État sur des immeubles des associations cultuelles, non-obligation de déclarer les actions de lobbying de l’église catholique qui serait étendu aux élus !

Puis, nous attendons aussi les arbitrages macroniens sur la bioéthique et sur la façon dont il va maquiller sa politique sur les migrants.

Et enfin, alors que sous le règne des prédécesseurs de Macron, ce fut déjà « open-bar » pour les subventions publiques aux écoles privées catholiques, au point qu’il y ait plus d’argent par tête d’élève pour elles par rapport aux écoles publiques, on attend concrètement la suite sur ce chantier.

Sans compter que nous devons rester vigilants devant les censures préfectorales au service du lobby catholique ou d’autres structures religieuses1

Nos tâches

  • Sur l’affaire du discours de Macron devant la conférence des évêques, partager l’entièreté de ce numéro de Respublica avec cette Chronique et les textes de l’historien Jean-Paul Scot et du philosophe Henri Pena-Ruiz.
  • En termes de campagne longue, continuer à faire signer l’appel du 15 décembre 2017 paru dans Marianne et Respublica (sur www.combatlaiquecombatsocial.net ).
  • Puis organiser des comités « Combat laïque-Combat social » (lire http://www.gaucherepublicaine.org/breves/7401504/7401504). Dans ces comités, vous pouvez demander au Réseau Education Populaire de venir vous faire une conférence sur « le décryptage du discours de Macron aux évêques ».
  • Mettre en discussion les livres de la Librairie militante de Respublica que vous pouvez vous procurer en vous les faisant  adresser par poste.
  • S’inscrire dans les collectifs régionaux de l’appel en écrivant à combatlaiquecombatsocial@gmail.com
  • Enfin, s’inscrire dans l’agenda 2018-2019 des initiatives politico-culturelles dans les différents lieux qui seront mis à notre disposition (fêtes populaires, théâtres, salles de cinéma, maisons des associations, bourse du travail et MJC, etc.).

 

  1. Voir https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/art-culture-edition/la-prefecture-de-la-sarthe-censure-une-piece-de-theatre-apres-des-plaintes-de-catholiques-integristes_2707220.html  []
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1 novembre 2016 2 01 /11 /novembre /2016 09:35

Source : http://www.gaucherepublicaine.org/respublica/la-laicite-pour-2017-et-au-dela-de-linsoumission-a-lemancipation-par-francois-cocq-et-bernard-teper/7399356

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La laïcité pour 2017 et au-delà de François Cocq et Bernard Teper (Penser et agir, Éric Jamet, éd., 2016, 8 €, voir ci-contre la Librairie militante) assume ses choix politiques. Ses auteurs ne se soumettent pas à la doxa d’une laïcité du « vivre ensemble inclusif », faussement consensuelle, qui cache un positionnement social-libéral. Non, expliquent-ils, la laïcité n’est pas neutre, car elle engage un modèle politique et se situe aujourd’hui au cœur d’un enjeu historique : en 2017, la France verra soit des communautés s’affronter, soit le peuple se refonder. Cette façon de concevoir et de soutenir la laïcité n’est pas neutre, elle non plus. À l’image de ce que Louis Althusser disait de la philosophie, la laïcité est aujourd’hui semblable à un champ de bataille, où des positions sont investies, perdues ou reprises, deviennent mineures ou hégémoniques… Dans ce terrain de lutte qu’est devenue la laïcité, où il s’agit d’occuper la position centrale, la laïcité signifierait-elle tout et son contraire, au gré des récupérations, des dérives et des mises à jour ? Aujourd’hui, presque tout le monde en France se déclare laïque, y compris ceux qui s’en voulaient naguère les contempteurs. La confusion est, du coup, à son comble, puisque s’affirment laïques des nostalgiques du Concordat, des communautaristes, des xénophobes et des racistes en tous genres. Hier opposé à la loi scolaire du 15 mars 2004, le Front national réclame aujourd’hui son extension à l’ensemble de l’espace public. Dans cette mêlée, Teper et Cocq ne se placent pas du côté d’une laïcité autoritaire car ils doutent qu’une multiplication d’interdictions et autres « délits d’entraves à la laïcité » fera reculer les intégrismes religieux. On ne les verra évidemment pas dans le camp d’une laïcité ouverte aux Indigènes de la République, diffuseurs de haine. Mais ils ne se replient pas derrière une laïcité obsidionale qui se pose en dernier rempart de la République. Et ils seront condamnés sans appel par les tenants d’une « laïcité ouverte et inclusive » pour qui l’État est laïque mais pas le peuple, et qui se représentent ce dernier comme un agrégat de sous-ensembles juxtaposés et d’identités collectives figées, à propos desquels il serait déplacé de contester les dominations, les sectarismes et les violences. Par leur vision d’une laïcité réduite à la neutralité bienveillante de l’État à l’égard des religions, les laïques inclusifs conviennent au capitalisme globalisé. Tout autre est le rôle que La laïcité pour 2017… assigne à la laïcité.
En présentant la laïcité comme une « boussole », Cocq et Teper affirment un projet politique républicain et démocratique : celui du peuple, par le peuple et pour le peuple. À la suite de plusieurs générations militantes, ils luttent pour imposer leur interprétation populaire de la laïcité, en usant librement des sources étymologiques du mot laïcité : du grec, on tirera le peuple, son union par-delà les hiérarchies. De la source latine, on fera encore prévaloir le peuple, la masse, les gens de la base, que nul ne tient pour supérieurs aux autres… Sur un plan proprement politique, la laïcité qui s’expose dans l’ouvrage est républicaine : elle fait valoir l’esprit public et l’intérêt général, et se fonde sur l’universalité du peuple comme corps politique des citoyens libres et égaux en droits. Émancipée de l’opposition stérile entre la république et la démocratie, la laïcité qui est ici soutenue est également démocratique. Si elle œuvre pour l’émancipation de la mainmise de la religion sur les esprits, elle étend ce projet d’autonomie à la souveraineté du peuple. Le livre ne se contente d’une connivence étymologique entre les aspirations démocratiques et la laïcité. Il montre que le lien du principe de laïcité et du principe démocratique est de type historique et dialectique. Lorsque la démocratie est ébranlée, la laïcité régresse. Et, à l’inverse, les progrès de la laïcité sont historiquement accompagnés de reconstructions démocratiques. Cette dynamique tantôt descendante tantôt ascendante de la laïcité et de démocratie se cristallise dans le caractère fondamentalement social de la laïcité soutenue par les auteurs, pour qui la laïcité a partie liée aux combats pour une République sociale. Teper et Cocq se ressourcent dans Durkheim qui, malgré ses ambiguïtés, fait comprendre que l’atomisme social menace l’édifice républicain. En un moment où prolifèrent dans les médias divers sociologues et politologues réactionnaires, vendeurs de communautarisme compassionnel et manipulateurs de l’histoire, Durkheim permet de montrer pourquoi les saillies de la laïcité républicaine furent historiquement des moments d’avancées sociales, et qu’il peut en être de même demain. Continuateurs de la gauche ouvrière et laïque des XIXe et XXe siècles, Teper et Cocq estiment que la revendication de la liberté de conscience ouvre sur une « conscience de soi sociale » et un refus de se soumettre à une prétendue « fatalité des injustices sociales ». La laïcité qu’ils portent est la République sociale au sein de laquelle les droits sociaux et les protections sociales découlent des droits promus en 1789. Combats d’hier, combats à recommencer… Aujourd’hui, le retrait des services publics, l’affaiblissement d’un cadre social protecteur en matière de santé et de droit du travail, les politiques clientélistes et les pratiques maffieuses, aux antipodes de la vertu républicaine, offrent un terreau favorable aux communautarismes religieux, réfractaires aux principes républicains de liberté et d’égalité, pourvoyeurs en identités de substitution et en reconnaissances à bas prix.

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Mais ce livre politique ne se borne pas à soutenir l’implication réciproque de la laïcité et du peuple, sous ses trois déclinaisons républicaine, démocratique et sociale. Il perçoit le génie historique et philosophique de la laïcité, d’être non seulement politique mais simultanément humaniste. Comme l’enseigne la philosophie politique, les grands modèles politiques engagent des visions de la société, de l’humain et du monde. Dans le cas de la laïcité, un idéal de liberté individuelle croise un projet d’émancipation collective. Une visée de l’universalité humaine, en chacun et dans l’organisation sociale, incarnée dans une histoire ouverte, oriente la laïcité. On comprend pourquoi avec La laïcité pour 2017…, l’histoire de la laïcité ne commence pas en 1905, ni en 1789. Il y a une histoire, et une préhistoire, de la laïcité, perceptible dès le XVIe siècle dans le refus des guerres de religion, des persécutions religieuses et des haines théologiques. D’abord circonscrite à la religion et à la conscience, cette levée de liberté a progressivement pris aux XVIIe et au XVIIIe siècles une tournure rationaliste et politique. Les auteurs de La laïcité pour 2017… font valoir cette richesse intellectuelle et morale de la laïcité. Délaissant les scories antihumanistes d’un structuralisme qui a mal vieilli, ils retrouvent l’humanisme universaliste de Buisson et Jaurès, et se réfèrent aux combats des Lumières contre le fanatisme, pour la liberté et la rationalité. Ils montrent qu’aujourd’hui, la laïcité a vocation à s’imposer comme l’antidote politique et intellectuel de deux maux en miroir: l’individualisme égoïste et le communautarisme grégaire.

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L’ouvrage voit clair sur la réplique à opposer à l’offensive politique que mène aujourd’hui l’islamisme, qui concerne l’ensemble des démocrates puisque, comme l’écrit Gilles Kepel, « l’islamisme absolu considère le peuple souverain ou dèmos comme une idole à renverser et que la souveraineté n’appartient qu’à Allah et que la seule Loi est la charia ». Mais Cocq et Teper alertent sur les dangers d’un interventionnisme de la puissance publique, sans pour autant se retrancher derrière un formalisme juridique qui méconnaît le problème social et politique, car, écrivent-ils, « le dialogue avec les religions, qu’il convient d’avoir pour imposer le cadre républicain, ne peut se transformer en ingérence dans la bataille théologique et politique qui se mène au sein même de l’islam ». La séparation laïque des Églises et de l’État n’est pas une loi qu’il suffirait de nommer pour la voir s’appliquer. Le principe laïque de séparation n’est jamais acquis : sa mise en œuvre résultera toujours d’une volonté démocratique et d’un combat idéologique au sein des religions et hors d’elles. Le combat des catholiques laïques en faveur du droit au mariage homosexuel, malgré la Manif pour tous, ne fut-il pas, à cet égard, exemplaire d’engagement efficace ?

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Ce très bon ouvrage militant est éclairant également sur l’école, autre lieu disputé dans le champ de bataille qu’est devenue la laïcité. Les laïques « ouverts et inclusifs » ont oublié que la séparation de l’Église catholique et de l’école publique a historiquement précédé la séparation des Églises et de l’État. Ils choisissent ainsi d’ignorer des pans entiers de l’histoire et de la pensée laïques car ils n’aiment pas parler de la singularité de l’école publique et de la recherche publique, saccagées par l’ultralibéralisme. Ils préfèrent opposer deux laïcités : la leur, la bonne, ouverte et respectueuse des différences ; et celle des autres, rationalistes dogmatiques et nostalgiques de la France coloniale. Ils n’ont toujours pas digéré la loi du 15 mars 2004 parce qu’elle présume que l’école publique est un lieu d’enseignement qui n’est pas comparable à l’espace public de la rue. S’ils n’ont pas renoncé à miner cette loi, ils concentrent aujourd’hui leurs forces contre l’Université qu’ils rêvent de communautariser. Ils sont en phase avec les islamistes passés à l’offensive pour y imposer une présence et une pression maximales. Ils veulent accréditer l’idée que la laïcité de l’enseignement public ne concernerait que les seuls personnels, par opposition aux usagers qui ne seraient pas concernés par la laïcité. Mais il faudrait pour cela qu’un élève et un étudiant soient de simples usagers de connaissances et des consommateurs de sciences. Comme l’écrivent Teper et Cocq, l’astriction au principe de laïcité concerne « l’activité publique d’enseignement et de recherche elle-même », pour des raisons qui tiennent à leur visée et à leurs méthodes. L’enseignement et la recherche ont un besoin vital de distance critique et de complète liberté de la pensée, sans restriction ni réserve, notamment religieuse. La rationalité et le questionnement libres forment la règle d’or de tout enseignement véritable. Durkheim observait que les premières écoles chrétiennes elles-mêmes avaient éprouvé un besoin de laïcité, de rationalité libre, dès lors qu’elles cherchaient à enseigner des connaissances, au lieu de se borner à inculquer des habitudes et des croyances. On comprend alors qu’en réclamant aujourd’hui l’extension de la loi du 15 mars 2004 à l’ensemble de l’espace public, le Front national nie, lui aussi, la spécificité de l’enseignement public. Il en est de même de la confusion de la neutralité laïque dans les services publics et dans les entreprises privées : en prétendant élargir la laïcité aux entreprises privées sur le modèle des services publics, on sape les fondements républicains du service public voué à l’intérêt général et on consacre la logique de privatisation du secteur public.

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Avec La laïcité pour 2017…, la laïcité se place au carrefour de plusieurs formes et régimes de liberté, avec la recherche du maximum de liberté pour tous. Le mouvement réactionnaire de la Manif pour tous contre l’égalité des droits et la reconnaissance de l’émancipation individuelle au regard des orientations sexuelles, a trouvé face à lui la laïcité militante de la liberté personnelle et d’une société émancipée des morales religieuses, les interdits et les prescriptions religieux ne pouvant, d’après elle, s’imposer qu’à ceux qui y croient. Cocq et Teper rappellent que la laïcité implique le droit de pratiquer paisiblement et collectivement son culte mais aussi celui d’interpeller « par la voix de la raison, la religion, les religions, toutes les religions ». Ils ne renient pas le code génétique de la laïcité : la revendication du libre examen, et une résistance opposée au fanatisme religieux et aux guerres qu’il suscite, aggrave, ou justifie. À l’exemple de Spinoza, la laïcité veut une société de paix par la liberté individuelle et collective. Le livre rappelle qu’en France, la laïcité fut à l’origine de la loi sur les associations de 1901 qui renforce les possibilités de créer du commun dans le peuple, par-delà les conceptions spirituelles. La Laïcité pour 2017 et au-delà est à lire avec attention et à diffuser sans modération.

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2 novembre 2015 1 02 /11 /novembre /2015 06:41

Excellent outil, remarquable base de données, que nous propose Respublica.

Ainsi allons nous pouvoir connaître ou approfondir ce qu’est la laïcité, appréhender son importance.

Curieusement dans l’article, mais c’est certainement maladresse que d’avoir proposé cet outil ainsi, il semble que l’usage de La laïcité par les textes ne soit adressé qu’aux professionnels de l’éducation. Aussi cette observation, et cette invitation faite à tous d’aller consulter cette anthologie.

Une anthologie qui doit pouvoir être rangée comme un dossier dans l’ordinateur pour pouvoir être utilisée à convenance.

Exergue

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Par Zohra Ramdane

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Pierre Hayat, membre du comité de rédaction de ReSPUBLICA, a réalisé pour le compte de l’Association des professeurs de philosophie de l’enseignement public (APPEP) une anthologie « La laïcité par les textes » qui prend place dans les ressources en ligne proposée par cette association autour du nouvel Enseignement moral et civique. http://www.appep.net/la-laicite-par-les-textes-anthologie/table-des-matieres

Cette anthologie, comme les autres ressources mises en ligne par l’APPEP, n’est pas à l’usage des seuls professeurs de philosophie mais de l’ensemble des enseignants et personnels d’éducation. Elle intéressera également les éducateurs populaires.

Alors qu’on cherche souvent ici et là, des textes de base, voici que nous pouvons bénéficier d’un ensemble de textes regroupés en un seul endroit. D’autre part, la pertinence des textes insérés est grande. Enfin, nous avons là un matériau intéressant pour l’éducation populaire.

Voilà pourquoi, je suggère à l’auteur de cette anthologie, d’y ajouter quelques textes. D’abord la circulaire de Jean Zay du 1er juillet 1936, pour faire figurer au même endroit les trois circulaires de Jean Zay de 1936 et 1937. Ensuite, les articles 9.1 et 9.2 de la Cour européenne des droits de l’Homme définissant le cadre de l’application des principes laïques dans l’ensemble des 47 pays contractants de la Convention (dont la Turquie).

D’ores et déjà, voilà déjà une mine d’or pour préparer des initiatives d’éducation populaire pour sortir de la confusion entretenue par les tenants du relativisme culturel.

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14 mars 2015 6 14 /03 /mars /2015 07:14

Tel est le titre de l’article ci-dessous : https://cocq.wordpress.com/2015/03/09/au-ps-la-laicite-se-forge-a-lecole-privee/

En suivant, après l’article, 2 liens de L’UFAL :

  • François Hollande : ‘La République reconnait tous les cultes’
  • Financement public des crèches confessionnelles

Lorsque les historiens rendront compte de la politique conduite par Hollande et ses gouvernements, faisant état de la loi Macron, de la laïcité, du code du travail, …. et qu’ils devront le classer sur l’éventail politique, en maints domaines, ils devront le situer à droite de celui de Sarkozy.

Exergue

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Au PS, la laïcité se forge à l'école privée, par François Cocq (PG)

« Il faut développer les enseignements scolaires privés sous contrat ». Telle est la sinistre proposition qui figure dans le rapport sur la « cohésion républicaine » présenté le 1er février par les responsables du Parti Socialiste devant les secrétaires de sections réunis à Paris. Et Laurent Dutheil, secrétaire national du PS à la laïcité et aux institutions d’enfoncer le clou dans un communiqué daté du 26 février en appelant au «développement de l’enseignement privé confessionnel musulman ». Désormais, pour le PS, la laïcité se résume donc à l’égalité de traitement des religions, sans se soucier du principe d’organisation sociale qui doit régir la place de ces dernières. Jaurès reviens, ils sont devenus fous !

La formulation officielle de ce qui constitue une rupture majeure et manifeste avec l’histoire de la pensée socialiste mérite qu’on s’y arrête. En réponse aux assassinats politiques des 7, 8 et 9 janvier, le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis avait appelé à une convention qui se tenait à Paris le 1er février devant l’ensemble des secrétaires de section. Dans ce cadre, trois rapports étaient présentés : l’un sur la sécurité et la lutte contre le terrorisme, le deuxième sur la coordination européenne en matière de lutte contre le terrorisme, et le troisième, cheveu sur la soupe, sur la préservation de la cohésion républicaine. C’est donc dans ce dernier (à lire ici) que figure la proposition qui nous intéresse (le reste méritera aussi qu’on y revienne tant les reniements et trahisons républicaines volent au PS en escadrille).

Présenté par Laurent Dutheil, le rapport sur la “cohésion républicaine” rassemble tout le spectre de ce que le PS compte comme chapelles. Voyez plutôt les signataires : Alain Bergounioux, Florence Augier, Ericka Bareigts, Jean-Louis Bianco, Colombe Brossel, Sylviane Bulteau, Luc Carvounas, Marie Colou, Kamel Chibli, Karine Gloanec-Maurin, Elsa di Méo, Samia Ghali, Estelle Grelier, François Kalfon, Marc Mancel, Emmanuel Maurel, Sandrine Mazetier, Claude Roiron, Isabelle This-Saint-Jean, Yannick Trigance. Des valssistes qui rédigent l’épitaphe du PS, aux prétendus gardiens de l’héritage socialiste au sein du parti,, ils sont tous là ! Celles et ceux qui considèrent que le Parti Socialiste est divers et que, dans ses instances, des courants structurés représentent plus d’intérêt et de perspectives que d’autres en seront pour leurs frais. Pauvres militant-e-s sincères salis par les vilénies de leurs chefs…

Sur le fond maintenant. On se souvient des propositions scandaleuses formulées mi-janvier par Jean-Louis Bianco sous couvert de l’Observatoire de la laïcité qu’il préside et qui avaient poussé plusieurs de ses membres à se désolidariser de ces annonces. Parmi celles-ci, outre “le recrutement d’aumôniers musulmans dans les prisons”, on retrouvait déjà “le soutien à la création d’établissements privés de théologie musulmane et de formation à l’islamologie” et “la prise en compte de toutes les pratiques convictionnelles et confessionnelles présentes sur le territoire de la république”. Comme une synthèse, Jean-Louis Bianco est de ceux qui avec le rapport sur la “cohésion républicaine” affichent aujourd’hui leur volonté de voir se développer l’enseignement privé confessionnel.

Il faut à ce stade s’arrêter sur la formulation initiale du rapport. La proposition de “développer les établissements scolaires privés sous contrat” a beau s’insérer dans la partie du document intitulée “Se pose enfin la question de l’islam français”, elle n’en est pas moins rédigée sous la forme d’une proposition générale qui englobe les enseignements privés sans même évoquer leur caractère confessionnel et/ou marchand. C’est bien l’enseignement scolaire privé sous contrat en tant que tel qui est promu par les rédacteurs comme une alternative, ou pour le moins un complément utile et nécessaire, à l’école publique ! On sait dans l’histoire du mouvement ouvrier que c’est par l’écrit que l’on entérine des modifications dans le champ des idées. Le propos est ici trop grave et trop décisif pour croire qu’il ne s’agirait que d’une maladresse rédactionnelle.

Avant même que de s’aventurer dans le champ du religieux, le PS marque donc une rupture profonde avec le principe général de laïcité et sa déclinaison pour l’Ecole de la République. Ainsi Jaurès, en 1910 dans sa célèbre intervention « Pour la laïque » à la chambre des députés, affirmait « qu’il pouvait être du droit de l’Etat d’organiser un service public national de l’enseignement » en précisant immédiatement : « J’entends un service national où seraient appelés tous les enfants de France ». « Tous » les enfants de France…Reprenant Proudhon, Jaurès explicitait en quoi l’éducation, dans sa visée universaliste et émancipatrice, doit garantir à l’enfant un cadre qui soit tout à la fois commun à toutes et tous, mais aussi préservé des velléités restrictives qui peuvent s’opérer au nom du dogme, qu’il soit religieux ou marchand : « L’enfant a le droit d’être éclairé par tous les rayons qui viennent de tous les côtés de l’horizon, et la fonction de l’Etat, c’est d’empêcher l’interception d’une partie de ces rayons ». Voilà qui lui permettait de conclure : « Je ne crois pas qu’il y ait d’objection de doctrine, d’objection de principe à ce que l’enseignement national pour tous soit organisé ». Là où Jaurès étayait sur le fond la question du monopole de l’éducation, le PS de 2015 de l’après Charlie se dresse face à lui pour promouvoir l’enseignement privé face à l’Ecole publique de la République et provoquer ainsi l’éclipse de l’humanisme universel…

La formulation complémentaire apportée par le secrétaire national du PS Laurent Dutheil dans son communiqué du 26 février (lire ici) n’y change rien. Au contraire, elle approfondit la redéfinition de la laïcité à la sauce PS. Celui-ci prône en effet «le développement de l’enseignement privé confessionnel musulman ». L’enseignement privé dont il est question est cette fois précisé : il s’agit bien de l’enseignement confessionnel musulman. Est-ce à dire que le PS se fait le chantre de celui-ci ? Non bien sûr. Mais ce que recouvre cette proposition, c’est le passage d’une laïcité où l’Etat ne reconnait ni ne salarie aucun culte comme le veut la loi de 1905 à une pseudo-laïcité où les religions doivent bénéficier d’une égalité de traitement. Les religions sortent ainsi du seul champ spirituel et sont de fait reconnues comme des acteurs temporels à même de prendre en charge ce que certains appellent des « droits-créances » pour l’Etat comme le droit à l’éducation (pour ma part, et vous m’excuserez cette digression sur laquelle je reviendrai, un droit créance n’est rien de plus que la résultante des droits naturels de liberté et d’égalité et c’est pourquoi je considère cette réintroduction politique du religieux comme une atteinte au principe même du droit naturel si vaillamment défendu par Maximilien Robespierre).

Concrètement, le PS promeut un financement public étendu pour les établissements scolaires privés et notamment ceux à caractère confessionnel. Là où l’argent public devrait aller à la seule école publique, celle de toutes et tous, le PS propose de rajouter à la manne de 9 milliards d’euros annuels distribués à l’enseignement privé, il est vrai à 90% confessionnel et catholique, le nécessaire pour développer l’enseignement privé musulman. C’est l’égalité des chances des religions en somme !

Mais c’est justement sur ce terrain que Jaurès devrait revenir jouer la mauvaise conscience des ex-socialistes du PS. Jaurès n’était pas qu’un penseur. Il partait du réel et des rapports de force pour construire un cheminement politique. C’est pourquoi après avoir montré le point d’arrivée dans son discours « Pour la laïque », il concluait celui-ci en donnant le manuel pour engranger des victoires immédiates comme autant de points d’appui. Pour Jaurès, « la question scolaire rejoint la question sociale » et il engage le gouvernement à se donner les moyens d’accueillir tous les enfants dans des conditions de réussite : « Comment aurions-nous le droit de recruter, même par la loi, des écoliers nouveaux si nous laissons des classes de 60, 70 élèves ? Comment le pourrions-nous si nous n’avons pas le courage de pousser jusqu’à 14 ans la scolarité (NDA : lire aujourd’hui 18 ans) »? Que préconisent pourtant les vaillants solfériniens d’aujourd’hui sinon distribuer au privé l’argent que n’a pas l’école publique ?

Comme souvent en pareil cas, PS et gouvernement sont les deux jambes d’un même fantôme qui marche à reculons. Le PS n’avait pas sitôt digéré son renoncement en la matière que Bernard Cazeneuve, sous couvert de la ministre de l’éducation Najat Vallaud-Belkacem, reprenait la balle au bond : « L’enseignement privé confessionnel musulman doit pouvoir se développer dans le respect des principes républicains. (…) Ces établissements peuvent conclure des contrats d’association. » Où quand les renoncements socialistes forgent les ruptures d’Etat…

Le Parti socialiste démantèle chaque jour un peu plus les cadres qui définissent l’ideal d’un humanisme universel et émancipateur. Nul adhérent du Parti socialiste ne doit aujourd’hui ignorer la trahison de notre histoire commune sauf à adhérer à la nouvelle pensée en restant dans ce corps sans vie. Jaurès terminait quant à lui à la chambre par cette sentence : “Laïcité de l’enseignement, progrès social, ce sont deux formules indivisibles. Nous n’oublierons ni l’une ni l’autre, et, en républicains socialistes, nous lutterons pour toutes les deux”. Indubitablement, le PS ne peut prétendre aujourd’hui ni à la filiation républicaine, ni à la filiation socialiste.

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http://www.ufal.org/feminisme-et-laicite/bal-de-faux-culs-a-propos-du-financement-public-des-creches-confessionnelles/

http://www.ufal.org/feminisme-et-laicite/victoire-posthume-des-terroristes-le-pouvoir-recule-sur-la-laicite/

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19 février 2015 4 19 /02 /février /2015 04:22

Texte paru dans Respublica : http://www.gaucherepublicaine.org/debats-laiques/laicite-et-ecole-interview-de-catherine-kintzler/7395320

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Vous êtes spécialisée en philosophie de l’art. Comment en êtes-vous arrivée à la question de la laïcité ?

La philosophie de l’art a été présente, avec Rameau, dès que j’ai commencé à publier alors que j’étais professeur de philosophie dans le secondaire (où j’ai exercé pendant 22 ans). Elle est devenue spécialisation professionnelle lorsque j’ai soutenu ma thèse d’État en 1990 et par la suite lorsque j’ai enseigné dans le supérieur.
J’ai commencé à travailler sur des questions liées à l’actualité, de façon militante et totalement disjointe de mon enseignement, durant les années 1980, d’abord sur la question de l’école, puis sur la laïcité. Et à chaque fois, le déclencheur fut une indignation.

Sur l’école d’abord. J’étais atterrée par la politique scolaire lancée au début des années 1980 et dont on voit aujourd’hui le succès ; elle a inspiré la plupart des réformes ultérieures. Cette politique consiste à renvoyer l’école à son extérieur, à la transformer en « lieu de vie », à l’aligner sur les demandes sociales et à négliger que son objet est l’émancipation des esprits par l’instruction. Loin de réduire les inégalités culturelles et sociales, on s’appuie sur elles pour élever les « différences » en dogme, on sacralise la proximité à laquelle il conviendrait au contraire de soustraire les élèves quel que soit leur milieu d’origine, on refuse la notion de sanction et l’exigence faite à chaque élève d’atteindre le plus haut niveau dont il ou elle est susceptible. Tout cela fut mis en place dès 1982. Et cette sempiternelle réforme a parfaitement réussi à disqualifier l’idée même d’École républicaine (déjà bien imparfaite auparavant) dont les réformateurs feignent de se réclamer.

C’est à ce moment-là (1984) que Jean-Claude Milner a publié son livre De l’école, réédité en 2007, il n’a pas pris une ride aujourd’hui.

Étant dix-huitiémiste, j’ai cultivé mon indignation en allant lire les grands textes de la Révolution française sur l’instruction publique. C’est ainsi que j’ai étudié Condorcet et que j’ai publié (1984) Condorcet, l’instruction publique et la naissance du citoyen.

La laïcité ensuite. Elle était déjà présente dans l’étude de Condorcet mais il y eut là aussi un événement déclencheur.

J’étais sur le point d’achever mes travaux de doctorat lorsque, à l’automne 1989, éclate l’affaire dite « de Creil » sur le port du voile islamique dans les établissements d’enseignement primaire et secondaire publics. Il aurait suffi, me semble-t-il, d’un peu de fermeté et de volonté politique de la part du ministre alors en exercice : réactiver les circulaires Jean Zay. Mais Lionel Jospin ne l’a pas entendu ainsi. En fait, je ne devrais pas dire qu’il a manqué de volonté politique car c’est bien une politique que de fermer les yeux sur le port de signes religieux à l’école publique par les élèves. Très vite, avec Elisabeth Badinter, Régis Debray, Alain Finkielkraut et Elisabeth de Fontenay, nous avons écrit la « Lettre ouverte à Lionel Jospin », publiée dans Le Nouvel Observateur en novembre 1989. J’ai soutenu ma thèse sur l’opéra dans cette ambiance survoltée. Et j’ai ruminé la question de la laïcité, non pas de manière massive comme je l’avais fait avec celle de l’école, mais point par point, en publiant des articles qui m’étaient en quelque sorte « commandés » par les sujets d’actualité qui, à chaque fois, posaient un problème dont l’élucidation permettait de dissiper une ambiguïté et de mieux cerner le concept (la laïcité scolaire, l’affaire « du gîte d’Epinal », le financement des cultes, le port de la cagoule, les cimetières, etc.). Après avoir publié le bref essai « académique » Qu’est-ce que la laïcité ? (Vrin), en 2007, j’ai tenté une synthèse de cette démarche théorique et pratique dans Penser la laïcité (Minerve, 2014).

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Selon vous, en quoi la laïcité va-t-elle au-delà de la tolérance ?
Il faut s’entendre sur le terme « tolérance » qui peut en français désigner une attitude, une disposition. Lorsqu’on met en parallèle laïcité et tolérance, on parle de régimes d’association politique. Le régime de tolérance, théorisé par Locke, est antérieur au régime de laïcité qui a été pensé par un courant de la Révolution française (alors même que le mot « laïcité » n’existait pas encore).
On peut dire que la laïcité va au-delà de la tolérance parce qu’elle place le fondement de l’association politique en deçà du point où le place la tolérance.
Voyons d’abord cet « en deçà ». Mon collègue Philip Pettit, à l’issue d’une conférence qu’il m’avait invitée à faire à Princeton, a employé une comparaison avec un système de numération que je trouve très juste : « Nous les Anglo-Saxons, nous commençons par 1, les Français commencent par zéro »
Le régime de la tolérance s’interroge à partir de l’existant : il y a différentes religions, différentes communautés et il faut les faire exister ensemble. Cette coexistence s’appuie sur l’idée selon laquelle tous croient à quelque chose, ou du moins à des valeurs, et que le lien politique doit se construire sur ce moment de foi initiale. C’est le « 1 » – exprimé notamment par la devise « In God We Trust » inscrite sur chaque dollar. C’est une manière de penser la forme du lien politique en le modélisant sur un lien de type « croyance », un lien fiduciaire.
Le régime de la laïcité considère que toutes les croyances, incroyances et positions s’inscrivent dans un espace qui rend possible leur libre coexistence et que, pour construire cet espace, il faut supposer que le lien politique est étranger à tout autre lien, qu’il n’a pas besoin d’un modèle préalable de type religieux : c’est le « zéro ». On ne cherche pas ce que les différentes positions ont en commun, on cherche un espace qui conditionne a priori la coexistence de toutes les positions, y compris celles qui n’existent pas.

Donc le régime de laïcité est un minimalisme – la puissance publique s’aveugle à tout ce qui est de l’ordre de la croyance et de l’incroyance, elle manifeste cet aveuglement par sa propre abstention en la matière – et ce minimalisme lui permet d’accueillir de manière totalement indifférente un nombre indéfini de positions.
Nous voyons donc que ce fondement, en deçà du régime de tolérance, produit un au-delà dans la multiplicité indéfinie des positions qui jouissent de la même liberté. En termes plus usuels, la tolérance est plus volontiers tournée vers la liberté religieuse que vers la liberté de conscience. Elle n’assure pas toujours de manière certaine la liberté de conscience – laquelle comprend la liberté d’avoir un culte quelconque, mais aussi celle de n’en avoir aucun et de le manifester. Cela ne veut pas dire que les non-croyants sont persécutés ni même rejetés en régime de tolérance, mais ils sont moralement dépréciés par la norme sociale qui veut que chacun ait une religion, et qui va même jusqu’à introduire la notion de croyance dans les serments. En revanche a laïcité assure d’abord la liberté de conscience et fait de la liberté des cultes un cas particulier de la liberté de conscience.
La question philosophique fondamentale est donc celle de la disjonction entre la forme du lien politique et la forme religieuse du lien. Un régime de tolérance part de l’idée selon laquelle la forme de tout lien obéit non pas à une religion, mais à un modèle religieux : c’est avec cette idée que la laïcité rompt.
Maintenant, il y a aussi une différence politique entre les deux régimes, c’est celle de l’accès des communautés en tant que telles à l’autorité politique, celle de la promotion des communautés en tant que telles au statut d’agent politique. Le régime de laïcité accorde des droits étendus à toutes les communautés, pourvu que cela ne contrarie pas le droit commun. Mais ces droits sont civils : aucune communauté en tant que telle ne peut se voir reconnaître un statut politique. La souveraineté réside dans les citoyens et leurs représentants élus, et les droits sont les mêmes pour tous, individuellement : le droit de l’individu a toujours priorité sur le droit collectif. Il est impensable d’imaginer un droit flexible selon la communauté à laquelle on est réputé appartenir, ce qui est possible dans nombre de régimes de tolérance. Du reste en République laïque, il n’y a pas d’obligation ni même supposition d’appartenance.

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De plus en plus de Français souhaiteraient bannir les signes religieux de l’espace public. Mais n’est-ce pas déjà le cas ? De quel « espace public » parle-t-on ?
Bien sûr que c’est déjà le cas ! Les signes religieux sont prohibés dans le domaine qui participe de l’autorité publique, qu’il s’agisse d’espaces ou de choses (par exemple les bâtiments officiels : mairies, écoles publiques, préfectures, monuments officiels comme les monuments aux morts…), de personnes durant un certain temps (fonctionnaires et magistrats pendant l’exercice de leurs fonctions) ou d’actes et de discours (lois et règlements, financements publics, propos tenus par un magistrat, un professeur, un ministre dans le cadre de ses fonctions…).

Le terme « public » est l’objet d’un malentendu. Pour tenter de l’élucider, je pense qu’il est utile de rappeler la distinction entre le principe et le régime de laïcité. Le principe de laïcité, que tout le monde connaît, veut que la puissance publique s’abstienne de toute manifestation relative à une croyance ou à une incroyance : ce sont les exemples que j’ai donnés ci-dessus.

Mais cette abstention n’a de sens que parce que son domaine d’application est restreint : cela libère tout ce qui ne participe pas de la puissance publique. Partout ailleurs, dans la société civile (rue, métro, magasins, etc., donc des « lieux publics »), s’applique le principe de libre expression, de libre affichage. Et c’est précisément parce que la puissance publique observe la réserve en son sein que la société civile est d’autant plus libre car aucune option n’est cautionnée ni dépréciée par la puissance publique.

Ainsi le régime de laïcité articule deux principes, le principe de laïcité et le principe de libre expression (dans le cadre du droit commun bien sûr). L’espace juridique en régime laïque n’est donc pas uniforme : c’est le contraire d’un intégrisme.
Donc réclamer le bannissement des signes religieux de l’« espace public » est ambigu.
On peut vouloir dire par là qu’il faut appliquer le principe de laïcité à ce qui participe de l’autorité publique : et là effectivement il faut refuser une croix, un croissant étoilé, une étoile de David, une crèche, etc., dans le hall d’une mairie, car ce serait ouvrir la porte à toutes sortes de revendications particulières d’affichage et encourager chez les élus une attitude clientéliste. Il y aurait des mairies « plutôt catholiques » d’autres « plutôt musulmanes » selon la « clientèle » : elles cesseraient d’être la maison commune.

Mais on peut vouloir dire par là qu’il faut « nettoyer » de tout signe religieux les lieux accessibles au public (la rue, les magasins, les halls de gare, le métro, etc.) : on voit bien à quelles aberrations cela mènerait, à commencer par raser cathédrales et calvaires, anonymer les temples maçonniques, débaptiser les communes dont le nom comprend « Saint », etc. Et si on interdisait le port du voile islamique dans la rue, il faudrait aussi y interdire le port de tee-shirts anarchistes ou athées, interdire les signes maçonniques au revers des vestes… Ceux qui réclament un tel « nettoyage » réclament bel et bien l’abolition de la liberté d’expression – en fait ils ne la réclament que pour une religion seulement !
Beaucoup de confusion règne à ce sujet. Je me rappelle un intervenant lors d’un débat, qui me disait « mais si on refuse une crèche dans une mairie, alors c’est pareil pour un musée national ou municipal et il faut en enlever tous les tableaux et toutes les sculptures à sujet religieux !». C’est confondre l’objet du musée (exposition d’œuvres dans un cadre neutre et critique) et ce cadre lui-même qui n’est pas religieux, car administré par la puissance publique.

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L’École publique est le lieu par excellence de la laïcité. Quel est le statut de l’élève en son sein ?

À l’école publique, on comprend bien que l’abstention en matière de religion et d’opinions doit s’appliquer aux personnels, mais pourquoi et dans quelle mesure s’applique-t-elle aussi aux élèves ? Autrement dit : les élèves sont-ils des usagers ?

À la suite du remarquable travail de la Commission Stasi, la loi de 2004 interdit en effet aux élèves d’arborer des signes religieux ostensibles : on leur demande, durant le temps scolaire, une réserve plus grande que lorsqu’ils sont dans l’espace civil ordinaire.

Cela ne les met pas exactement sur le même plan que les personnels, mais cela signifie que l’école, vue du côté des élèves, n’est pas un lieu ordinaire assimilable à une portion de la société civile où peuvent s’afficher les opinions en tant que telles.

L’école publique primaire et secondaire est soustraite à l’espace civil ordinaire parce qu’elle fait partie des dispositifs constitutifs de la liberté, parce qu’elle accueille des libertés en voie de constitution. Il ne s’agit ni de la rue, ni d’un simple « service » au sens ordinaire du mot. On ne vient pas à l’école pour « consommer » un service, on n’y vient pas pour obtenir un papier ou remplir un formulaire : on y vient pour construire sa propre liberté. Et pour cela on a besoin d’un espace critique commun, d’un moment de détour, de retrait et de doute. Voilà pourquoi les élèves ne sont pas des usagers.

Ce n’est pas en faisant défiler les différentes positions devant les élèves qu’on arrive à construire quoi que ce soit, ni en leur disant « il y a différentes communautés et chaque communauté fait ce qu’elle veut, c’est toujours respectable ». Parce qu’alors, chacun reste campé sur son appartenance – à supposer qu’il en ait une. Il faut passer par la nécessité de la crise, une sorte de mise à distance. Une mise à distance de ce que l’on croit penser, de ce que l’on croit être ; c’est nécessaire pour tout le monde, aussi bien pour l’enfant du médecin ou du cadre que pour celui de l’ouvrier ou du paysan, celui du chômeur. Un moment où on fait un pas au-delà de la simple tolérance, en dehors de son appartenance, un moment où le doute est non seulement permis, mais requis. Et cela passe aussi par un acte visible, une sorte de rite qui rappelle concrètement cette nécessité : en passant le seuil de l’école, on devient un peu un autre, un enfant devient un élève, il vit une double vie. Cela ne signifie pas qu’on doit rompre avec son appartenance, avec sa communauté, mais qu’il y a un moment où on n’a affaire qu’à sa propre pensée.

De plus n’oublions pas que l’école publique primaire et secondaire accueille des mineurs de tous horizons, y compris des élèves dont les parents sont incroyants : pourquoi devraient-ils subir un affichage que leurs parents n’approuvent pas nécessairement ? Permettre cet affichage à l’école en prétextant qu’on l’étend libéralement à toutes les religions, c’est normaliser le fait religieux et inviter chacun à s’y inscrire, c’est insinuer que la normalité est d’avoir une religion, c’est déjà avoir pris une option sur la conscience d’élèves mineurs et avoir restreint leur liberté à venir.

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À votre avis, la loi de 2004 sur les signes religieux à l’école a-t-elle été efficace ? Pourquoi était-elle nécessaire ?

Il suffit de lire les attendus du rapport de la commission Stasi, de consulter les auditions auxquelles elle a procédé, de lire le rapport Obin (qui a longtemps été l’objet d’une diffusion pour le moins « confidentielle ») pour comprendre que la loi était nécessaire. Il faut noter que l’expression « loi sur le voile », qu’on entend souvent, est inappropriée : la loi est générale. Il y avait d’ailleurs beaucoup d’affaires de kippa. Mais ce recours à la loi est aussi le résultat de nombreuses années de tergiversation, d’atermoiements au niveau de l’État, de sorte que le recours à une simple circulaire (qui était pensable et qui aurait pu être efficace dès l’apparition des problèmes d’affichage et de revendication religieux à l’école), était devenu dérisoire.

On ne souligne pas assez combien cette loi a une valeur éducative. Car elle « met en scène » de façon concrète et quasi-rituelle la distinction des espaces : l’élève sait qu’il doit quitter un affichage religieux ostensible en entrant dans l’établissement scolaire public, mais il sait aussi qu’il peut le remettre en en sortant. Cela lui fait vivre l’inverse de ce que lui ferait vivre un intégrisme qui demande l’uniformité totale. Donc ceux qui prétendent que la loi de 2004 « uniformise » ne font que montrer soit la confusion de leurs idées soit leur détestation de la législation républicaine. Manifester la distinction des espaces juridiques et la signification profondément libératrice de cette distinction : voilà, à mon sens, l’efficacité principale, du point de vue de l’école et de ses finalités, de cette disposition.

La Charte de la laïcité lancée par Vincent Peillon contribue à cette efficacité. L’idée de réunir dans un même document succinct des éléments dispersés dans la législation me semble excellente, cela éclaircit les idées et ramène à l’essentiel. Mais si l’école, par ailleurs, renonce à sa mission principale qui est d’instruire en mettant en place un espace critique commun, si elle est sommée d’abandonner toute discipline raisonnée, la meilleure Charte du monde sera perçue comme un prêchi-prêcha bienpensant devant lequel une simple génuflexion de façade suffit, et la loi de 2004 sera une coquille vide dont on ne verra que l’aspect formel.

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Comment analysez-vous les récents propos de Najat Vallaud-Belkacem concernant les accompagnateurs de sorties scolaires ?

J’ai l’impression d’avoir déjà vu le film ! La ministre reproduit une attitude analogue à celle qu’a adoptée Lionel Jospin en 1989 : on peut interdire, mais il vaut mieux ne pas le faire. Si elle pense vraiment qu’il faut accepter les signes religieux des accompagnateurs, que n’abroge-t-elle la circulaire Chatel ? Cette circulaire n’est pas illégale et jusqu’à plus ample informé elle reste en vigueur. Pour justifier ses atermoiements, la ministre prétend s’appuyer sur une étude du Conseil d’État que ses conseillers juridiques semblent ne pas avoir lue de bien près, car cette étude expose clairement pour quels motifs on peut refuser le port de signes religieux par les accompagnateurs scolaires. La question n’est pas celle du statut de ces personnes, mais celle de la nature de l’activité : la sortie scolaire est une activité scolaire, et l’école reste toujours l’école y compris lorsqu’elle sort de son enceinte habituelle. Mais on reste dans le flou, la responsabilité retombe sur les enseignants. C’est hélas coutumier à l’Éducation nationale : les professeurs ont l’habitude d’être « lâchés » par la hiérarchie, y compris à son niveau le plus élevé.

L’enjeu n’a pas changé. La tendance la plus rétrograde de l’islam entend banaliser le port du voile et l’introduire particulièrement à l’école publique. Comme pendant les années qui ont précédé la loi de 2004, elle trouve une forme de complaisance en haut lieu au prétexte de ne pas « stigmatiser ». Ainsi s’accentue, plus généralement, la pression sur les femmes musulmanes qui ne portent pas le voile.

L’emploi du terme « mamans » est révélateur. Cela suggère une importation de l’intime au sein de l’école. L’école est-elle destinée à prolonger l’intimité du cocon maternel ? N’est-elle pas, par définition, destinée à en faire sortir l’enfant qui, de « gamin », devient alors un élève ? En devenant élèves et en fréquentant l’école les enfants accèdent au luxe d’une double vie. Et les mères d’élèves qui accomplissent cette démarche effectuent un pas remarquable vers l’extérieur du monde des « mamans » duquel on peut imaginer qu’elles souhaitent sortir, au moins temporairement.

Rappelons une évidence. L’accompagnateur scolaire accompagne, par définition, les enfants d’autrui que sont les élèves et cela sans exception, y compris lorsque ses propres enfants sont au nombre des accompagnés. L’accompagnateur n’a donc pas à traiter les élèves comme s’ils étaient ses propres enfants. Réciproquement, il doit traiter ses propres enfants, dans ce cadre scolaire, comme s’ils étaient ceux d’autrui.

Au lieu de cela, on se complaît dans le compassionnel à des fins idéologiques : il y aurait humiliation, stigmatisation. On aura reconnu le thème condescendant, plein d’onction et de violence, de l’intouchable. Car croire qu’une femme, parce qu’elle est voilée, serait incapable de comprendre qu’il existe des espaces et des situations distincts, relevant de réglementations différentes, c’est la mépriser. La demande qui lui est faite de s’abstenir d’affichage religieux dans ce cadre de responsabilité scolaire, loin de l’humilier, la met à la même hauteur que le professeur dont elle partage momentanément la tâche ; loin d’être un impératif blessant et réducteur, elle est un honneur et une marque de considération. Au niveau de la symbolique, c’est peut-être l’inverse qu’il faudrait faire : en même temps qu’on demande à une personne d’ôter momentanément les signes religieux ostensibles dont elle est porteuse, lui remettre un insigne d’accompagnateur scolaire qu’elle pourrait arborer fièrement durant la sortie.

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16 février 2015 1 16 /02 /février /2015 06:38

A lire, malgré sa longueur

Exergue

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La laïcité est souvent perçue comme une exception française et une singularité hexagonale. Il ne fait pas de doute que le concept de laïcité constitue un témoignage de l’originalité féconde du « génie français ». Le concept peut en effet être considéré comme une exception française tant il correspond historiquement à une invention de notre pays. La laïcité fut par la suite tantôt ignorée par nombre d’Etats, tantôt acclimatée par d’autres avec plus ou moins de bonheur.

Le terme renvoie d’abord et surtout à la transformation souvent conflictuelle des rapports entre Eglises et Etat, abordant la question cruciale de la neutralité de l’Etat vis-à-vis des dogmes et des religions par la reconnaissance du pluralisme religieux. Elle met également en jeu l’indépendance de l’Etat par rapport aux Eglises par la construction d’un vaste service public étatique. Mais l’idée de laïcité se réfère également à une progressive perte d’emprise de la religion sur la société, que ce soit dans des domaines aussi variés que l’individualisation des croyances, la libération des mœurs ou l’autonomie des sciences.

Ces tendances lourdes se rapportent à une évolution transformant progressivement la société dans ses modes de vie ou de pensée : il s’agit du processus de laïcisation ou de sécularisation.

1 - La maturation d’un principe récent

La laïcité constitue une valeur somme toute récente. Dans la cité antique, qu’elle soit grecque ou romaine, l’imbrication du religieux et du politique était extrêmement forte : l’existence et le succès de cultes civiques en témoignent. Les nombreuses survivances théocratiques de l’Occident médiéval et les réalités des monarchies chrétiennes fonctionnant sur le principe de l’absolutisme de droit divin reléguaient au second plan toute velléité laïque. Partout l’intrication du temporel et du spirituel, encore plus forte dans les pays luthériens, était de mise.

C’est donc dans le refus du cléricalisme et le rejet de la société d’Ancien Régime que la laïcité a émergé. Elle est déjà contenue dans le texte fondamental que représente la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. La Révolution française posa les premiers jalons en créant l’état-civil et en autorisant le divorce par consentement mutuel. Le processus de sécularisation était enclenché de la sorte, le principe de l’égalité devant la loi des citoyens quelle que soit leur confession obtenait droit de cité. Des hommes pouvaient par nature se gouverner eux-mêmes, en dehors des dogmes et de l’Eglise. Tout cela était en soi une profonde révolution.

L’idée de laïcité reste présente tout au long du XIX° siècle. Elle constitua même un clivage fondamental en France sur l’échiquier politique. La question religieuse et la question institutionnelle agirent de concert pour déterminer des oppositions idéologiques nettes : d’un côté, les défenseurs de la laïcité militaient pour la forme républicaine du régime tandis qu’en face se liguaient les forces conservatrices, voire réactionnaires, pour qui la société d’Ancien Régime fondée sur l’alliance du Trône et de l’Autel servait de référence. La célèbre apostrophe de Gambetta en 1877, « le cléricalisme, voilà l’ennemi ! », prouvait le lien fort et indissociable qui unissait alors République et laïcité.

Cependant, force est de reconnaître que la situation était plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord. Ainsi, la progression du gallicanisme constitua à certains égards un obstacle à l’émergence de la laïcité : plutôt que de chercher à séparer les pouvoirs temporel et spirituel, les gallicans essayèrent d’absorber l’Eglise dans l’Etat en faisant du clergé un corps de fonctionnaires. Il était dit que la France traverserait le XIX° siècle régie en la matière par le Concordat napoléonien de 1801. Il est a priori paradoxal de constater que certains des promoteurs de l’idée de laïcité au cours de la première moitié du siècle furent indirectement des catholiques du groupe de L’Avenir qui, à la suite de Lamennais, appelaient l’Eglise à se libérer de la tutelle de l’Etat et à s’en séparer par la résiliation du Concordat. En dépit de l’activité de Lamennais, cette initiative resta cependant largement marginale chez les catholiques, et par ailleurs condamnée par la papauté en 1832.

L’idéal laïque triompha en France à la fin du XIX° siècle, en même temps que s’enracinait la République, l’un confortant l’autre. Deux moments se révélèrent décisifs dans ce processus : la législation scolaire de Jules Ferry de 1881-1882 et la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905. L’enseignement constitua un espace de confrontation pour le moins virulente avec le cléricalisme catholique. L’union entre un régime, la République, une institution, l’Ecole, un principe, la laïcité, imprima sa marque féconde à l’évolution ultérieure de la France. Deux décennies plus tard, le Concordat de 1801 répudié, la France devenait pleinement une République laïque. Ce qui à la veille du premier conflit mondial en faisait une double exception, parfois perçue comme une incongruité dans le concert des nations européennes : à la fois républicaine et laïque.

2 – Les caractéristiques de la laïcité fondent la citoyenneté

Aujourd’hui, la laïcité est un des quatre principes fondamentaux de la République française. En effet, l’article 2 de la Constitution de 1958 stipule que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». Avec les textes évoqués précédemment, il s’agit sans équivoque possible d’un véritable « bloc de constitutionnalité » sur lequel repose en partie notre « vouloir vivre ensemble ».

La laïcité garantit la liberté de conscience, c’est-à-dire la capacité que chacun possède de juger et de décider en dehors d’un dogme religieux, d’une philosophie officielle ou même d’un conformisme ambiant. Effectivement, la laïcité donne la possibilité de penser librement, de construire une pensée autonome en usant de sa liberté de jugement. De la sorte, l’homme se trouve à même de prendre pleinement conscience de son statut de citoyen : il accède à la dignité de citoyen, processus dans lequel l’idéal laïque joue un rôle non négligeable.

La laïcité institue également la souveraineté populaire en postulant que le peuple peut se gouverner lui-même d’une manière terrestre et rationnelle. Or cette souveraineté renforce l’exigence de liberté, pour que la liberté de conscience, aidée en cela par l’acquisition de savoirs et d’informations, se traduise in fine par une capacité de jugement et de décision. Dans ce schéma là, on aperçoit les liens existant entre laïcité, école publique, liberté et pluralisme de l’information car il n’est plus à démontrer que le citoyen ne peut exercer ses prérogatives que s’il est suffisamment instruit et informé.

La lutte contre l’ignorance ou l’obscurantisme, la défiance envers toute forme de désinformation ou de propagande si caractéristiques de l’ère des masses contemporaine s’inscrivent bien dans cette perspective : la laïcité vise sans conteste à l’élévation citoyenne et à la promotion de la souveraineté populaire. Le combat pour la laïcité est en fait celui de la reconquête de la souveraineté populaire et de la réhabilitation de la parole citoyenne.

La laïcité est aussi un fondement majeur de la construction et de la cohésion d’une nation libre et éclairée. La nation, comme communauté de citoyens, fidèle en cela à la définition française de Renan, est une construction politique qui nécessite une adhésion de chacun à ses principes, à un « contrat » qui fonde le vouloir vivre ensemble. Ce contrat est un acte positif de chaque citoyen, sans cesse renouvelé : un plébiscite de tous les jours pour reprendre la formule de Renan.

Cette conception contredit formellement l’appréhension reposant sur des critères d’ordre naturel : c’est ainsi que le patriotisme républicain laïque s’oppose en tout au nationalisme, car il se refuse à penser la nation en terme de sang, de race, d’enracinement terrien ou de croyances. Tout homme, quelles que soient ses origines, peut devenir Français, pourvu qu’il accepte les principes et les règles de la République : la laïcité le permet. Cette conception n’a rien à voir avec une quelconque gangue ethnique ou une originelle création religieuse. La laïcité contribue à la fusion d’individus citoyens dans une même nation, sur la base d’une démarche voulue et partagée.

Elle permet d’une manière à peu près identique la pleine intégration de tous à la République, en distinguant la sphère publique de la sphère privée. Dans la sphère privée, les choix religieux ou philosophiques peuvent s’exercer en toute quiétude : seuls des régimes totalitaires et inquisitoriaux en contesteraient l’évidence. Les croyances religieuses choisies par les familles et encadrées par des clercs bénéficient de l’existence de lieux de culte. Mais la séparation de la sphère publique contribue à borner d’éventuelles tentations des Eglises à intervenir directement dans le domaine de l’Etat, quand ce n’est pas de s’y substituer purement et simplement.

Or, il arrive que les empiètements soient fréquents : les prosélytismes de tout poil cherchent ainsi à imposer leurs principes, leurs dogmes et leurs modes de fonctionnement dans la sphère publique. L’école laïque peut accueillir tout élève en dépit de son appartenance religieuse : elle concourt à gommer les différences et ne considère que des êtres égaux. Toute personne peut postuler à un emploi dans la fonction publique quelles que soient ses croyances, pourvu qu’il n’en fasse pas une publicité ostentatoire. De ce fait, une politique volontariste de citoyenneté et d’intégration ne saurait faire l’impasse sur la préservation résolue de la laïcité.

Il apparaît nettement que la laïcité représente à la fois un idéal personnel et social, indissociable de la conception de la citoyenneté à la française. Elle en constitue un soubassement actif bien que parfois ignoré. Elle représente un progrès et une garantie pour toutes les parties concernées : les citoyens obtiennent leur liberté de conscience, les Eglises leur liberté religieuse en dehors du pouvoir civil, l’Etat sa capacité à gouverner dans le sens de l’intérêt général.

La laïcité encourage en outre la démocratie sociale par ses références constantes aux notions d’égalité et de fraternité. La solidarité nationale s’en trouve légitimée, à l’exclusion de toute dérive compassionnelle et condescendante. En cela, on peut affirmer que la laïcité se situe expressément au cœur de l’exigence et de l’ambition républicaines et qu’elle les revigore en proportion.

Les vertus de la laïcité sont donc particulièrement nombreuses. La liste que nous venons d’esquisser n’a bien évidemment pas vocation à être exhaustive : elle pourrait être aisément complétée. Pour éviter de tomber dans le risque de l’énumération quelque peu rébarbative, nous pourrions en regrouper les mérites au tour d’un double triptyque. Le premier reprendrait la devise républicaine : liberté (de conscience, religieuse etc…), égalité (juridique, de dignité etc…), fraternité (rejet des discriminations, intégration sociale etc…). Un second s’organiserait autour des trois autres principes contenus dans l’article 2 de la Constitution de 1958 : indivisible (mettant en jeu par exemple la structuration de la société), démocratique (s’incarnant par exemple dans l’exercice de la souveraineté populaire), sociale (distinguant par exemple la solidarité de toutes les formes de charité ou de compassion). L’opération possède en fin de compte l’intérêt de mettre en exergue l’essence même de la laïcité : sa dimension résolument républicaine fondant la notion de citoyenneté.

3 – La laïcité : une citadelle assiégée ?

Malgré cela, le modèle laïque français traverse aujourd’hui quelques turbulences. Il est véritablement menacé sous les effets convergents de multiples facteurs à l’œuvre.

Le plus visible d’entre eux est sans doute la montée de l’intégrisme religieux. Des intégrismes, devrions-nous préciser, car toutes les religions sont concernées : l’Islam n’en a pas le monopole. L’intégrisme est d’abord le fait de groupes minoritaires qui veulent enfermer le croyant dans un système religieux visant à englober tous les domaines de la vie sociale en s’appuyant sur une lecture particulière des textes religieux et sur les traditions les plus rétrogrades. Dans cette configuration, la distinction entre sphère publique et sphère privée est jugée superfétatoire, voire carrément impie.

Nous pouvons noter que l’intégrisme n’est pas une création contemporaine : il est aussi vieux que les religions. Représente-t-il une perversion outrancière des systèmes religieux ou, au contraire, entretient-il des liens consubstantiels avec le concept même de religion ? Les religions révélées s’appuyant sur des livres sacrés sont bien évidemment concernées au premier chef. La question mérite d’être posée, à défaut de réponse assurée.

La vogue du communautarisme, phénomène dans lequel l’influence outre-atlantique est patente, constitue une autre menace. Le communautarisme se caractérise par un mode d’enfermement dans des groupes ethniques, religieux ou sociaux, le catalogue n’étant pas exhaustif. L’idée laïque est dans ce cadre constamment bafouée : on n’accueille plus par-delà les différences de chacun, mais la différence commune à quelques uns devient le sésame pour intégrer le groupe restreint, la communauté.

Si les injustices sociales, les discriminations raciales, la perte ou le non apprentissage des valeurs républicaines et citoyennes peuvent servir à expliquer ce mécanisme, elles ne doivent en aucun cas le justifier. L’objectif de la laïcité doit rester clair : il s’agit du souci d’instaurer un monde commun aux hommes par-delà leurs différences afin que le vivre ensemble reste dans le domaine du possible.

La pente de la construction européenne comporte des risques de déstabilisation de la laïcité. En effet, la plupart des Etats membres ne sont pas laïques, même si des processus de sécularisation des modes de vie et de la société existent largement.

C’est ainsi que nos voisins possèdent des constitutions, des pratiques ou des cérémonies institutionnelles officielles intégrant la religion et les Eglises. C’est ainsi que l’on observe l’activité de certains courants politiques, positionnés indifféremment à droite ou à gauche, pour faire reconnaître l’influence religieuse dans les héritages et les réalités de l’Europe. Le traité constitutionnel européen massivement rejeté par les citoyens français le 29 mai 2005 constituait sans aucun doute une arme de destruction de la laïcité à la française. Ce fut une raison parmi d’autres de vote négatif émis par la France. Pour autant les attaques ne se sont pas atténuées, à tel point que le danger d’une délaïcisation sous prétexte d’harmonisation avec les conceptions de nos voisins ne doit être nullement sous-estimé ou hâtivement évacué.

L’idéologie triomphante de la mondialisation libérale obscurcit de plus en plus fortement l’idéal de la laïcité. Promouvant un individualisme exacerbé, un culte de l’exaltation du moi et du chacun pour soi, le néolibéralisme, que l’on appelait jadis capitalisme, conduit à de regrettables confusions et à de graves dérives.

Confusion regrettable entre laïcité et tolérance dont une conception erronée, acceptant des comportements individuels et éclatés, fait reculer la prise en considération de l’intérêt général supérieur à la somme des simples intérêts particuliers. Dérive grave quand la primauté de l’idéologie de l’argent et de la loi du marché font de la rentabilité financière le seul critère de jugement, faisant de la sorte reculer le dévouement désintéressé pour des causes collectives et la chose publique.

L’examen de l’actualité récente confirme la vigueur des assauts à l’encontre de la laïcité. Une accélération préoccupante s’est produite au cours des dernières années.

Elle s’incarne prioritairement dans les discours du président de la République Nicolas Sarkozy, notamment ceux prononcés à Latran, à Riyad ou au Puy-en-Velay. Dans ces derniers, le chanoine du Latran y théorisait la prétendue « supériorité du prêtre sur l’instituteur dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal » au motif qu’il manquera au second « la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance », l’affirmation du concept de « laïcité positive » ou appelait à assumer sans complexe l’héritage chrétien de la France. Ce faisant, il accordait aux croyants un privilège de vertu et d’humanité par rapport aux athées, favorisant de la sorte une discrimination effective entre citoyens assortie d’une critique profondément inexacte, injuste et insidieuse des violences supposées de la laïcisation, reprenant par là même occasion les antiennes des cléricaux du passé et des intégristes du présent.

D’autres faits accréditent cette thèse. Il en va de l’accord Vatican-Kouchner du 18 décembre 2008 qui attribue à des établissements d’enseignement religieux la faculté de délivrer des diplômes reconnus par l’Etat. Il s’agit d’une grave entorse au principe républicain de monopole public de collation des grades. Une succession de privilèges financiers en faveur de l’école privée sous contrat complète l’entreprise : loi Carle de septembre 2009 imposant aux communes de financer les dépenses de fonctionnement pour les élèves inscrits dans une école privée située hors du territoire de la commune, niches fiscales avec la création de fondations vouées au financement des écoles privées permettant des exonérations sur les dons, plan « Espoir banlieue » de Fadela Amara qui a permis de financer l’ouverture de classes catholiques en banlieue. Sans parler du projet de loi déposé par 81 députés UMP le 19 octobre 2010 qui prévoit l’exonération de taxe foncière pour les écoles privées sous contrat[1]. Dans ces conditions, on peut sans exagération parler de véritable usurpation des fonds publics par les écoles privées sous contrat. Il y aurait sans nul doute largement matière à écrire un livre noir à ce sujet.

4 – Droite/Gauche : des postures renouvelées mais ambiguës

La question de la laïcité déterminait un clivage très net sur l’échiquier politique. La gauche militait en faveur d’une conception laïque de la société en combattant vigoureusement toute forme de cléricalisme. La droite ne concevait pas d’organisation politique et sociale qui n’attribuait une importance particulière à la religion. La question religieuse fonctionnait à l’égal d’une ligne de démarcation séparant deux camps aux projets de société antagonistes. Depuis, les lignes de fractures se sont déplacées, rendant la situation plus complexe.

Ainsi, la gauche, ou plus exactement certaines composantes de celle-ci, sous couvert de modernité et de tolérance, n’hésite pas à battre en brèche l’exigence intrinsèque du concept de laïcité. Il s’agit là en fait de prétextes fallacieux. La laïcité ne se réduit pas à la tolérance[2]. Cette dernière n’est qu’une concession qu’un individu accorde à un autre individu alors que la laïcité affirme la primauté de l’intérêt général. La tolérance est dépourvue d’une exigence qui fonde la laïcité : celle de l’intégration républicaine pour tous les citoyens. La tolérance peut déboucher sur une simple différence des droits tandis que la laïcité s’appuie sur un devoir d’indifférence pour garantir au final un droit à la différence. La confusion ne saurait être de mise sans dérive préjudiciable au vivre ensemble qui nous relie.

La gauche convertie à « l’insu de son plein gré » au libéralisme, la gauche libérale-libertaire et les fractions gauchistes animées par un état d’esprit à la fois lyrique et compassionnel considèrent souvent la laïcité comme une survivance ringarde de temps révolus, voire une anomalie dont il faudrait se débarrasser à bon compte. Il est vrai que « laïcard » résonne chez eux trop souvent comme une invective[3]. Ils en sapent insidieusement les fondements au nom de la modernité (jamais définie !), de l’exaltation de la différence et d’un antiracisme dévoyé méconnaissant la nature profonde de principes universalistes. Ils acceptent aussi des formes de prosélytisme religieux dans la sphère publique et renoncent de fait à la laïcité de l’Ecole et de l’Etat. Dans cette dérive, la calamiteuse gestion de l’affaire du foulard de Creil en 1989 a joué un rôle extrêmement important. L’arrêté du Conseil d’Etat stipulant que « dans les établissements scolaires, le port par les élèves de signes par lesquels ils entendent manifester leur appartenance à une religion n’est pas en lui-même incompatible avec le principe de laïcité » a causé des dégâts considérables.

Au nom du droit à la différence se muant à l’occasion en véritable culte d’un « différentialisme » conquérant, on en vient à justifier toutes les régressions et tous les particularismes ethniques, religieux ou culturels. Un particularisme de ce type ne peut être conçu comme une identité de substitution à l’identité citoyenne en principe transcendante. En effet, l’enfermement dans la différence identitaire aliène l’individu à des dogmes rétrogrades, à des clercs intolérants ou à des petits caïds. La soumission à la communauté se fait contre l’esprit critique et la liberté.

Profitant des errements idéologiques de certains courants de la gauche, la droite aurait parfois tendance à se positionner en réaction en défenseur vigilant de la laïcité. C’est un retournement de situation qui peut paraître curieux.

Mais cette posture ne doit pas faire illusion. Si la droite se cramponne aux valeurs de la laïcité, cela ne signifie pas pour autant qu’elle s’y soit ralliée pleinement et qu’elle en ait intériorisé les fondements en toute connaissance de cause. Elle n’en a pas réellement rejeté les tentations cléricales qui persistent dans les mentalités. L’instrumentalisation de la laïcité se fait à des fins socialement intéressées. Arguer du respect intransigeant de la laïcité permet en certaines occasions de s’affranchir d’une contrainte jamais véritablement acceptée par la majorité des courants de droite : l’impératif de mixité sociale. Mettre en exergue de manière hâtive la supposée incompatibilité entre les différences de populations jugées en fait indésirables pour des motifs sociaux ou ethniques et une application stricte du principe de laïcité n’a pour unique dessein que de légitimer et justifier une dynamique accentuée de ségrégation sociale. En somme un expédient qui vise à exclure tout en se donnant bonne conscience. Car la laïcité possède pour horizon de rassembler en dépit des différences initiales, pas de conduire à l’exclusion par le refus obtus de l’altérité. La laïcité est un creuset, pas une machine à broyer et à stigmatiser celui dont les différences ne sont pas réductibles à soi. L’ignominie des débats sur l’identité nationale en 2010 et sur l’islam en 2011 prouve l’hypocrisie de telles postures qui ne doivent abuser personne.

Précisons encore une fois que la reconnaissance de l’altérité n’équivaut pas à un culte du différentialisme ou à la promotion du communautarisme. Ceci étant dit et entendu sans risque de confusions, et c’est un préalable indispensable, les cris d’orfraie de certains appelant à une application implacable de la laïcité ne trompent plus personne. Il s’agit d’une manœuvre socialement connotée, d’une perversion et d’une dénaturation de l’idéal de laïcité : celui-ci est d’essence fraternelle, sûrement pas ségrégative. Voilà une posture tellement ambiguë qu’elle confine à l’imposture.

Pour justifier ces infractions à la laïcité, un vocabulaire trompeur a été mis en place par les adversaires de la laïcité. Un adjectif qualificatif a été adjoint à laïcité : positive pour le Président de la République, ouverte ou raisonnée pour d’autres se situant parfois à gauche voire très à gauche. Comme si la laïcité pouvait être négative ou fermée, alors qu’elle a pour finalité de construire un espace commun à tous et à chacun. L’utilisation d’un adjectif a pour conséquence de déqualifier la laïcité. Celle-ci n’a pas besoin d’un quelconque épithète. La ruse est pourtant grossière : elle ne vise qu’à la restauration des emprises publiques perdues par les religions et à la réintroduction de leurs privilèges.

5 – Pour une extension du champ de la laïcité

Si c’est principalement contre l’emprise du fait religieux et dans le refus des cléricalismes que la laïcité a émergé, le rapport à la religion et aux Eglises est loin d’épuiser l’intégralité du champ ressortant à la question laïque. D’autres secteurs se trouvent en première ligne du combat et ne sauraient être minimisés. Nous sommes invités en réalité à militer, non pour une simple préservation de la laïcité, mais à une extension significative de son champ d’expression. Le premier de ces secteurs concerne le monde économique et la dictature de l’idéologie marchande.

Aujourd’hui, la pénétration dans les mentalités de l’idéologie marchande devient une réalité inquiétante. Une certaine vision du monde, économiste, financière, boursière s’impose inéluctablement comme une norme implicite. Le libéralisme, lorsqu’il se dogmatise, se transforme en une idéologie comme une autre, même s’il est souvent présenté comme « l’idéologie de la fin des idéologies ». Nous sommes confrontés au phénomène communément appelé marchandisation[4].

Ce qui rend encore plus dangereux le libéralisme est qu’il avance le plus souvent masqué, fondu dans l’air du temps. L’idéologie libérale se croit et se dit « objective », abusivement parée des attributs de la science, battant subrepticement en brèche la neutralité laïque. L’hégémonie de l’idéologie libérale, le conformisme ambiant alimentant la pensée unique, voilà de nouveaux territoires à défricher pour une laïcité militante et sûre d’elle-même. Sans pour autant renoncer au domaine de la religion comme on le requiert ici ou là.

Dans le domaine de l’école, la pénétration de l’idéologie marchande a été favorisée de manière pernicieuse par la circulaire du 28 mars 2001, également appelée « Code de bonne conduite des interventions des entreprises en milieu scolaire ». Elle précise que « les établissements scolaires sont libres de s’associer à une action de partenariat » par laquelle l’entreprise concernée « pourra faire apparaître discrètement sa marque » sur des « documents qui seront remis aux élèves ». Voilà un texte qui devra être abrogé sans préavis.

Un second domaine a trait à l’indispensable neutralité que doivent observer les programmes. De nombreuses matières ont été frappées de partialité évidente dans les contenus enseignés. Les exemples foisonnent pour illustrer une telle situation contraire à l’objectif de formation de l’esprit critique et d’indépendance du jugement qui doit animer tout citoyen éclairé. Il n’est pas exagérer d’affirmer qu’il s’agit là de formes d’embrigadement plus ou moins soft.

Dans le programme d’Histoire de la classe de Première, il est recommandé d’étudier l’industrialisation des économies occidentales sur la longue durée de près de deux siècles, en insistant plus particulièrement sur la notion de croissance continue. Dans cette optique, la crise de 1929 doit être envisagée comme un accident de conjoncture ne remettant pas en cause structurellement la croissance d’ensemble. Le message est clair comme de l’eau de roche : le capitalisme est forcément orienté à la hausse et créateur de progrès ininterrompus. Peut-être est-ce la déclinaison du concept de fin de l’Histoire sanctionnant le triomphe universel du système capitaliste que les néo-libéraux rangés derrière Francis Fukuyama avaient voulu prophétiser dans l’enthousiasme de la chute du mur de Berlin. Le problème, c’est que depuis ces orientations programmatiques, une violente crise économique a éclaté en 2008 : est-il possible d’expliquer aux millions de personnes tombant dans la misère qu’ils ne sont victimes que d’un accident de conjoncture ? Il est vrai que l’étude de la même question en classe de Quatrième déconseille d’utiliser l’expression de révolution industrielle pour lui préférer celle plus neutre d’âge industriel. Etudier la lutte des classes qui a rythmé l’évolution des sociétés industrialisées au cours du XIX° siècles devient un véritable blasphème dans ces conditions…

Les programmes d’éducation civique au collège et au lycée comportent des paradoxes extraordinairement frappants. Ils suintent de bons sentiments, donnant l’impression de promouvoir à l’excès la notion de solidarité sous toutes ses formes, alors que le monde dans lequel nous vivons évolue vers davantage de compétition, d’individualisme et de régressions sociales. Il s’agit en réalité d’une forme particulière de solidarité ainsi ressassée qui s’apparente davantage à la charité : l’initiative individuelle visant à corriger à la marge les inégalités sociales ne doit pas concourir à remettre en cause le système économique qui en est pourtant responsable au premier chef. Autrement dit, la charité pour se donner bonne conscience, mais pas de systèmes solidaires et universels de protection sociale garantis par la puissance publique. Il est vrai qu’on ne cesse de nous rabâcher que tout acquis social est en réalité un insupportable privilège faisant le lit de l’assistanat. Pendant ce temps, les banques qui ont joué et perdu après avoir beaucoup gagné, et avant de gagner à nouveau beaucoup, ont été renflouées par de l’argent public. N’hésitons alors pas à parler d’assistanat, mais à fronts renversés…

Dans un même logique, les programmes de Sciences économiques et sociales ont été remodelés de manière extraordinairement partisane. La dimension sociale a été réduite à la portion congrue : les notions d’inégalités ou de chômage ont quasiment disparu renforçant de ce fait une vision purement économiste et financière de la discipline.

Nous pourrions également parler des programmes de philosophie dont les orientations idéologiques sont pour le moins sujettes à caution. Peut-être que dans un avenir proche les contenus des cours de Sciences de la vie et de la terre seront dénaturés sous la pression de lobbies religieux voulant accorder doit de cité aux thèses créationnistes comme c’est le cas aux Etats-Unis. Après tout, la main invisible peut être aussi bien d’origine divine qu’être le monopole du marché roi…

Mais l’exemple le plus significatif se situe certainement au niveau de l’enseignement professionnel qui est malheureusement trop souvent ignoré. Le développement des partenariats avec les milieux économiques montre clairement la volonté de travailler les consciences au moyen de partis pris idéologiques flagrants. Le MEDEF, par l’intermédiaire de l’association EPA (Entreprendre Pour Apprendre), a signé un partenariat avec le ministère de l’Education Nationale. La finalité est au moins exprimée sans faux-semblants : développer la culture entrepreneuriale dans les lycées professionnels. Les actions menées consistent à faire créer aux élèves des mini-entreprises, accompagnées de fiches pédagogiques dont sont gommées toutes les références aux droits des salariés. Les élèves peuvent de la sorte licencier sans contraintes rigides, recruter une secrétaire pour s’en séparer à tout moment, se partager les bénéfices sans se demander si ceux qui ont produit les richesses par leur travail ne pourraient pas en bénéficier, pester contre les satanées charges sociales. Apparaît ainsi un monde virtuel ressemblant aux rêves les plus fous des libéraux les plus endurcis. C’est une perception scandaleusement déformée de la société qui est fournie en référence à des adolescents prêts à s’insérer dans le monde du travail. On le voit, le combat idéologique est urgent : la laïcité y détient bien évidemment un rôle essentiel.

L’argent public, provenant d’une source universelle, à savoir l’argent des contribuables quelles que soient leurs orientations religieuses ou philosophiques, se doit d’avoir un but universel conforme à sa nature même : le financement des services publics, de la solidarité redistributrice et de la protection sociale. L’application de ce principe doit s’effectuer pleinement en faveur de l’École publique et laïque seule dépositaire de cet intérêt général. Par conséquent, la formule stipulant « argent public à école publique » doit être appliquée.

La loi Debré du 31 décembre 1959 a réintroduit le financement public de l’enseignement privé. Elle fait office de véritable concordat sans en porter le nom, tenant lieu pour l'Église catholique de revanche inespérée sur la loi de séparation de 1905. La réaction du camp laïque ne s’était en conséquence pas faite attendre : le 19 juin 1960, était prononcé à Vincennes un serment solennel engageant à lutter en vue de l’abrogation de la loi Debré pour « obtenir que l'effort scolaire de la République soit uniquement réservé à l'école de la Nation »[5].

Dans le dessein de justifier ces financements, l’argument de l’équité est souvent allégué. Au motif que l’enseignement privé sous contrat remplirait une même mission de service public que son homologue du public, il conviendrait que le financement se fasse à parité. Il s’agit d’un mensonge et d’une hypocrisie, et ce pour plusieurs raisons évidentes.

Seule l’école publique est gratuite, en dépit des progrès du processus rampant de marchandisation. L’école privée demande une contribution financière aux familles. Seule l’école publique est tenue d’accueillir indistinctement tout élève. Le privé peut choisir ses élèves en fonction de plusieurs critères plus ou moins avoués : les résultats scolaires, le niveau social afin de préserver un entre soi connivent. Seule l’école publique est laïque. La loi Debré garantit aux établissements privés le maintien de leur « caractère propre ». Seule l’école publique est assujettie aux obligations de service public, ce qui lui en confère tout son honneur. L’école privée n’est pas tenue à l’obligation de re-scolariser dans un autre établissement l’élève victime d’une mesure d’exclusion ; elle fait le choix parfois d’inscrire en candidats libres aux examens les élèves qui risqueraient de faire baisser le taux de réussite.

Même l’argument de l’équité abondamment avancé ne tient pas : mieux encore, il s’inverse. En cumulant l’ensemble des sources de financement comme les participations des familles (sans oublier que certains établissements du privé disposent à l’occasion de recettes de produits financiers), on s’aperçoit que les élèves du privé sont mieux lotis que ceux du public.

Pour nous, l’objectif est clairement explicité : redonner à l’école publique les moyens de ses missions, inverser la pente d’une politique néfaste qui s’est développée depuis des années. De cette manière, seront stoppées les conditions propices à une possible hémorragie des élèves vers le secteur privé. Si cette hémorragie n’a pour l’instant pas eu lieu en dépit des efforts pour organiser pénurie, appauvrissement et dysfonctionnements au sein de l’école publique, le tout doublé de véritables campagnes de dénigrement, c’est que le public reste de meilleure qualité que le privé, n’en déplaise aux oiseaux de mauvaise augure et autres déclinistes.

Le combat des idées aura une importance vitale : il faudra faire en sorte que le respect de la liberté cesse d’être confondu avec l’obligation de financer les écoles privées. L’École publique ne revendiquera donc pas le monopole de l’enseignement, mais seulement le monopole de l’argent public, en vertu du principe d’affectation au bien commun à tous des ressources qui proviennent de l’impôt acquitté par tous.

Une extension territoriale de la laïcité s’avère nécessaire avec la situation prévalant en Alsace et en Moselle. Il y a effectivement de quoi interpeller notre conscience laïque et républicaine. En 1924, après le retour de l’Alsace et de la Moselle à la France, une loi y a néanmoins maintenu le Concordat datant de 1801, tout particulièrement dans sa déclinaison scolaire. Les trois départements concordataires restent soumis à un statut particulier qui viole à la fois l’indivisibilité du territoire, l’égalité des droits et la liberté de conscience.

La religion y est une matière « comme les autres », sanctionnée par des notes, lesquelles sont prises en compte dans le calcul de la moyenne générale en fin de trimestre. L’appartenance à une religion figure en bonne place sur la première page des dossiers d’inscription au collège ou à l’école. L’enseignement d’une des quatre religions reconnues (l’Église catholique, l’Église protestante dans ses deux composantes, et le culte israélite) n’est pas seulement toléré, mais obligatoire.

Une salle est réservée à l’enseignement de la religion. Ce qui est loin d’être le cas pour d’autres matières, malheureusement. Aussi peut-il arriver qu’un professeur de français, d’histoire ou de langues, soit contraint d’enseigner occasionnellement dans cette salle, dûment décorée de symboles religieux, au mépris déclaré des convictions (ou de l’absence de convictions !) des élèves, alors que dans le même temps, le règlement intérieur interdit, ici comme ailleurs, le port ostensible ou ostentatoire de signes d’appartenance religieuse !

Hors de ces départements concordataires, des épreuves écrites ou orales du baccalauréat sont de plus en plus souvent organisées dans des lycées privés confessionnels. Des candidats ont dû composer sous les auspices de crucifix dont on n’avait même pas pris la peine de masquer la présence. Rappelons que seuls les établissements laïques accueillant tous les élèves sans exception doivent être habilités à être centres pour les examens et concours d’Etat.

Conclusion :

La laïcité n’est pas négociable. Pas plus à l’Ecole que dans les autres secteurs de la société. Elle reste un combat permanent. Un combat idéologique pour en expliquer le contenu sans en dénaturer les fondamentaux, un combat politique pour en contrecarrer les menaces qui l’affectent au quotidien.

La laïcité offre la possibilité d’un espace commun à tous, excluant tout marquage confessionnel, ethnique ou idéologique. En cela, elle se situe au cœur de la République et du plein exercice d’une citoyenneté éclairée. Elle constitue la condition de l’égalité, de la liberté et le creuset de l’unité nationale. L’expérience historique montre qu’elle est l’organisation sociale la plus à même de permettre à des individus très divers de vivre ensemble en harmonie, parce qu’ils sont citoyens dans un espace commun, l’espace démocratique.

La France est sûrement le pays à l’avoir appliquée avec le maximum de cohérence et de discernement. Pour cela, la conception française de la laïcité doit être défendue et valorisée. Valorisée en l’étendant à d’autres champs que la religion. Le champ de l’idéologie doit être également investi pour que se dessine une perception globale et exigeante de la laïcité impliquant une neutralité rigoureuse. La laïcité possède une portée universaliste : elle doit se défier des faux universalismes qui n’ont de cesse de la démanteler : les Eglises, le marché ou les conformismes.

Préservation et extension d’une laïcité intransigeante car sûre de ces valeurs, telle est en définitive la voie qui doit être tracée. Plus que jamais, il nous faut œuvrer pour une laïcité élargie, fidèle aux combats de 1905, afin d’en réaffirmer résolument les principes dans l’intérêt de tous face aux menées de tous les adversaires de la laïcité.

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  • (1)Voir la tribune de François Cocq et Francis Daspe parue dans L’Humanité le 11 / 12/ 2010 et intitulée « L’argent public part en fumée pour favoriser l’enseignement privé ».
  • (2)Voir la tribune de Francis Daspe parue dans Marianne n° 342 le 10 / 11 / 2003 et intitulée « La tolérance pour la tolérance… Une machine antilaïcité ! »
  • (3)Voir la tribune de François Cocq et Francis Daspe parue dans Libération le 29 / 03 / 2011 et intitulée « La gauche doit refuser la « diversité » selon les Verts ».
  • (4) Voir la tribune de François Cocq et Francis Daspe parue le 27 / 08 / 2010 sur le site internet LeMonde.fr et intitulée « L’école face au fléau de la marchandisation ».
  • (5) Voir la tribune de François Cocq et Francis Daspe parue dans L’Humanité le 19 / 06 / 2010 et intitulée « L’enseignement public face à une concurrence déloyale et faussée »
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19 janvier 2015 1 19 /01 /janvier /2015 02:53

Emission C'est-à-dire .

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Comment définir la laïcité ?

C’à dire : Émission du 16/01/2015

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Les récents attentats contre le journal satirique Charlie Hebdo et un hypermarché cacher ont remis au cœur des débats la laïcité. Entretien avec Henri Pena-Ruiz philosophe, maître de conférences à Sciences-Po Paris et auteur du Dictionnaire amoureux de la laïcité.

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Qu’est-ce que la laïcité ? "C’est un principe d’organisation du cadre politique tel que soit respecté trois valeurs, trois exigences : la liberté de conscience, l’égalité de traitement des croyants divers et des athées et l’orientation de la puissance publique uniquement vers l’intérêt général. La liberté de conscience signifie très clairement que la religion est libre, mais qu’elle n’engage que les croyants et elle n’a pas à être imposée comme référence commune à tous les autres. L’égalité de droit signifie, très clairement, qu’il ne doit pas y avoir de privilèges publics de la religion pas plus qu’il ne doit y avoir d’autres privilèges publics et que l’orientation de la puissance publique vers l’intérêt général exclusivement signifie que l’on ne doit pas privilégier. La laïcité, c’est comme le triptyque républicain : liberté, égalité, universalité font le fondement de la fraternité".

Caroline Fourest a été censurée sur la chaîne britannique Sky News pour avoir voulu montrer la Une du dernier numéro de Charlie Hebdo. "Par ce geste qu’a-t-elle voulu faire ? Elle a voulu soutenir des journalistes qui ne s’en prennent pas à la personne des musulmans, mais à la religion qui peut conduire à des choses comme on l’a vu. Donc il faut bien comprendre une distinction fondamentale que fait la laïcité, et nos amis anglais devraient pouvoir la faire : une chose est de s’en prendre à une personne en raison de sa religion ou de son origine, autre chose est de s’en prendre à une autre conception du monde ou à une religion".

En voyage aux Philippines, le pape François, invité à répondre à une question sur Charlie Hebdo, a proclamé son attachement à la liberté, mais il a également estimé que l’"on ne peut pas provoquer, on ne peut pas insulter la foi des autres, on ne peut pas se moquer de la foi". Que pensez-vous de ces déclarations ? "Je ne suis pas du tout d’accord avec le pape. Le pape, qui devrait pourtant être plus rigoureux, confond lui aussi la mise en cause des personnes comme telles, qui est un délit à mes yeux : on n’a pas le droit de s’en prendre à une personne en fonction de sa religion, on n’a pas le droit non plus de s’en prendre à une personne en fonction de son athéisme parce qu’il faut étendre à tout le monde ce que l’on accorde à la croyance religieuse. Ce qui est respectable est la personne et sa liberté de croire, mais ce n’est pas sa croyance, car si l'on interdit la mise en cause des croyances, il faudra également interdire la mise en cause des opinions, des humanismes athées. Il deviendra impossible de faire un débat démocratique. On a le droit de critiquer une conviction, on n’a pas le droit de rejeter un être humain en raison de sa conviction. C’est clair, c’est net juridiquement, c'est-à-dire que la boussole, le critère que ne semble pas prendre en compte le pape, c’est celui de la distinction entre le respect des personnes et de leur liberté qui doit être absolu, et le respect des convictions qui ne doit pas être posé comme norme juridique et morale parce que l’on a le droit de critiquer une religion, on a le droit de critiquer un humanisme athée. S’il n’y a plus ce droit, il n’y a plus de liberté d’expression".

"Il n’y a pas deux poids, deux mesures entre Charlie Hebdo et Dieudonné parce que Charlie Hebdo n’a jamais mis en cause des personnes, mais des religions. Alors, c’est vrai que l’on peut se sentir blessé quand on adhère à une religion et qu’on la voit mise en cause, mais ce n’est pas un délit. Jamais Charlie Hebdo - qui a toujours été clair sur l’antiracisme, sur le rejet de la xénophobie et du racisme- n’a remis en question les personnes comme telles. C’est un critère très clair (…) Ce ne sont pas des musulmans qui ont été insultés. C’est une conception du monde qui est critiquée et caricaturée, cela n’a rien à voir. Imaginez que je sois humaniste athée et que l’on critique violemment l’humanisme athée en disant que c’est une abjection. Je ne vais pas faire un procès, j’admets que l’on ne soit pas sur mes positions. Il faut admettre cela. On peut être blessé. Imaginez que quelqu’un soit insulté parce qu’il est communiste, il pourra dire que c’est scandaleux, mais si l’on critique le communisme et non pas la personne en raison de son adhésion, ce sont de choses distinctes".

Enfin, "je suis d’accord avec les propos récents d'Aurélie Filippetti parce qu’il y a aujourd’hui une surreprésentation des religions. Moi, en tant que laïc, je ne suis pas antireligieux mais je suis favorable à l’égalité de traitement de tous les êtres humains qu’ils soient croyants, athées ou agnostiques. On devrait parler autant de Sartre et de Camus que du pape. Or, il y a une surreprésentation, et hier je suis désolé ce qu’a dit le pape est insensé. Il a mêlé la mise en cause des confessions et de la foi, et la mise en cause des êtres humains. C’est une erreur impardonnable pour quelqu’un qui réfléchit sur les choses de la pensée".

Henri Pena-Ruiz

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