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26 août 2011 5 26 /08 /août /2011 05:54

 

 

Depuis bientôt un an, les plus hautes autorités de l’Etat s’acharnent à dresser les citoyens les uns contre les autres. Elles ont successivement jeté à la vindicte publique les Roms et les gens du voyage, les Français d’origine étrangère, les habitants des quartiers populaires, les chômeurs et précaires qualifiés d’«assistés»… Elles ont ressorti le vieux mensonge d’une immigration délinquante, elles pratiquent la politique de la peur et de la stigmatisation.

Nous avons manifesté le 4 septembre 2010, dans toute la France, contre ce dévoiement de la République. Aujourd’hui, chacun mesure la terrible responsabilité de ceux qui ont donné un label de respectabilité aux idées d’extrême droite, à la xénophobie, à la haine et au rejet de l’autre. De dérapages verbaux en pseudo-débats, de crispations identitaires en reculs sociaux, la voie a été grande ouverte à une crise démocratique encore plus grave que celle du 21 avril 2002.

Parce que nous sommes attachés aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, nous ne supportons plus que la République soit ainsi défigurée, la laïcité instrumentalisée au service de la stigmatisation de millions de nos concitoyens, la xénophobie banalisée dans les propos de ministres et de députés qui prétendent parler en notre nom à tous. Nous refusons que la peur soit utilisée pour faire reculer nos libertés, que les inégalités soient encouragées par l’injustice fiscale, le recul des droits sociaux et la démolition des services publics.

Nous refusons cette République défigurée ; celle que nous voulons, c’est la République «laïque, démocratique et sociale» que proclame notre Constitution; celle du 14 juillet 1789, du Rassemblement populaire de 1936, celle enfin du Conseil national de la Résistance. Celle qui s’attache inlassablement à garantir à tous l’égalité en dignité et en droits, l’égale liberté, l’égal respect de la part de ceux qui les gouvernent.

C’est pourquoi nous lançons un appel solennel au rassemblement de toutes et tous, à la mobilisation des consciences pour le retour de cette République que nous voulons plus que jamais libre, égale et fraternelle.

Deux cent vingt deuxième anniversaire de la prise de la Bastille, ce 14 juillet est le dernier avant l’échéance présidentielle de 2012. Sachons nous en saisir, nous rassembler pour fêter la République de la meilleure manière qui soit : en appelant nos concitoyennes et concitoyens à faire respecter ses valeurs, aujourd’hui et demain.

Source : http://www.jennar.fr/?p=2058

 

La République, inachevée et de nouveau menacée... Par Christian Picquet (G.U.)!

 

Initialement, je n’avais pas prévu de m’exprimer à propos du 14 Juillet. Il est néanmoins des signes impossibles à ignorer. Longtemps, en effet, la gauche aura laissé cette célébration se dérouler sous le signe de l’hommage rendu à des armées ayant pourtant, historiquement, entretenu avec la République des rapports de détestation propres à nourrir moult tentations de pronunciamiento (l’affaire Dreyfus ne fut, à cet égard, pas un égarement momentané).

Elle aura, au passage, oublié ces moments forts du Front populaire ou des lendemains de la Libération, où le mouvement ouvrier, dans sa diversité sociale et politique, tenait à rappeler sa filiation avec cette immense cohorte de « bras-nus » et de sans-culottes qui firent de la Grande Révolution ce « lever de soleil » européen que le grand philosophe Hegel avait tenu à exalter.

 

Pour parler franchement, je doute qu’Éva Joly, elle qui ne manque jamais une occasion d’ironiser à propos de l’anachronisme prêté au républicanisme français et à son inébranlable engagement laïque, ait eu en tête cet héritage lorsqu’elle se livra à sa sortie médiatique en faveur de la substitution d’un défilé citoyen à la sempiternelle parade militaire des Champs-Élysées. Qu’importe ! Elle n’en aura pas moins traduit ce mouvement émergent de réappropriation populaire de l’enjeu que représentent, plus que jamais, le message de la Révolution comme l’idéal de la République démocratique et sociale. Et je me sens, en l’espèce, dans le souci qu’elle aura tenu à exprimer, plus proche d’elle que de ce petit Monsieur Fillon, sortant de son bocage sarthois pour se lancer, à l’encontre de la franco-norvégienne candidate d’Europe écologie, dans une diatribe aux détestables accents xénophobes. Il m’aura fait penser à ces émigrés de Coblence parlant avec leur mépris de caste de ces Assemblées disparates qui travaillaient avec ardeur à donner à la France un fondement constitutionnel et au sein desquelles siégeait une poignée d’« étrangers ». Des « étrangers » que la République naissante avait alors reconnu comme ses enfants, en vertu de cette disposition de la Loi fondamentale de l’an II, d’une modernité inouïe si on la compare au climat ambiant, selon laquelle « tout étranger qui, domicilié en France depuis une année, y vit de son travail ou acquiert une propriété, ou épouse une Française, ou adopte un enfant, ou nourrit un vieillard (…) est admis à l’exercice des droits de citoyen français »

 

Lorsque je parle d’une amorce de mouvement de réappropriation de l’enjeu républicain, j’en veux pour preuve que, au petit matin de ce 14 juillet, place de la Bastille, l’ensemble de la gauche, associative, syndicale et politique, ait tenu à réunir ses représentants, sous l’égide de la Ligue des droits de l’Homme et du collectif « Non à la politique du pilori », pour fustiger « la République défigurée ». Je perçois, au demeurant, le même type d’évolution dans la campagne de la CFTC – oui, la CFTC ! – demandant, sur fond d’affiches tricolores, aux consommateurs de boycotter l’ouverture des grands magasins au nom de ce rappel salutaire : « La fête nationale n’est pas la fête du commerce ! »

QUI DIRIGE, QUI POSSÈDE ?

 

Je l’avoue, je savoure ce changement de climat. Voilà presque dix ans que j’aurai publié, aux éditions Syllepse, La République dans la tourmente. Mesoreilles sifflent toujours des railleries (ou des gentilles moqueries incompréhensives) que cela me valut – j’ai encore le souvenir de cette caricature du Monde nous croquant, Jean-Luc Mélenchon et moi-même, qui amorcions un dialogue sur ce thème après la publication de nos ouvrages respectifs, en Dupont-Dupond de la République – et, pire, du procès en trahison que certains de mes amis de l’ex-LCR orchestrèrent, convoquant à l’encontre de ma réflexion les mannes d’un Lénine dont ils ignoraient manifestement à quel point l’œuvre pouvait être complexe.

 

Qu’avais-je osé écrire, quelques mois à peine après la grande mobilisation du printemps 2003 en défense des retraites ? Que rien n’était, au fond, plus républicain, du moins dans les principes énoncés de 1789 à 1793 (et que les Républiques successivement établies jusqu’à nos jours n’eurent de cesse d’étouffer sous un galimatias oublieux de la nature du processus qui, « aux peuples étrangers donnait le vertige », comme le chantait si magnifiquement Jean Ferrat), que« l’aspiration à la redistribution (la retraite par répartition), le souci de l’intérêt général (…), la recherche d’une nouvelle assiette de financement de la protection sociale, le refus des privatisations et l’affirmation du rôle prééminent du secteur public, l’appel sous-jacent à un retour au volontarisme en politique pour mieux s’opposer au libre-échangisme mondialisé ».

 

Ce n’est nullement un hasard si les penseurs du socialisme et du communisme contemporains, à commencer par Karl Marx, s’inspirèrent tous de l'onde de choc, ayant secoué toute l’Europe à la fin du XVIII° siècle, pour forger leurs concepts politiques. Il est vrai que les questions nodales du pouvoir et de la propriété, au cœur de toute stratégie de rupture avec les privilèges de la naissance et de la fortune, avaient été posées par elle. Avec une clairvoyance remarquable pour l’époque, quoique les conditions objectives ne permissent pas encore à cette révolution, d’essence bourgeoise, d’aller jusqu’au bout de sa dynamique émancipatrice. Lorsque, par exemple, il avait été décrété qu’à la puissance publique revenait la charge de garantir l’intérêt général (donc, de celui du plus grand nombre, n’ayant à vendre que ses bras et son intelligence du fait de son exclusion des mécanismes favorisant l’accaparement des richesses par une infime minorité)… Lorsque la démocratie avait été définie comme l’instauration de la souveraineté du peuple, à rebours de toute forme de restauration dynastique ou de pouvoir autocratique… Lorsque la vie collective s’était vue fonder sur le contrat social, la loi devant prendre le pas sur la juxtaposition des contrats usuels, nécessairement déterminés par les inégalités entre classes et individus… Lorsque la laïcité, consacrant la liberté de conscience, établit la séparation irrévocable entre spirituel et temporel, sphères publique et privée… Lorsque le fait national fut défini par son rapport à l’universel, récusant de ce fait toute filiation ethnique ou religieuse… Lorsque Maximilien Robespierre avait, au fond, tout résumé au détour d’une interrogation énoncée devant la Constituante, en janvier 1790 :« La loi est-elle l’expression de la volonté générale lorsque le plus grand nombre de ceux pour qui elle est faite ne peuvent concourir, en aucune manière, à sa formation ? »

 

CETTE DIGUE QUI TIENT TOUJOURS

 

Qui peut ignorer que ces postulats auront, jusqu’à nos jours, été vécus comme autant de défis aux entreprises d’une bourgeoisie ayant prospéré sur l’effondrement de l’aristocratie d’Ancien Régime, même si la République sera vite devenue, sitôt son triomphe acquis au plan institutionnel, l’alibi de nouvelles et terribles négations de droits humains essentiels ? Qui ne comprend que c’est pour cette raison que les classes possédantes tentèrent à d’innombrables reprises (du procès de Dreyfus à la montée des Ligues de l’entre-deux guerres, de Vichy au putsch des généraux d’Alger…) de les anéantir et même d’abattre ce symbole qu’ils avaient une fois pour toutes baptisé la Gueuse ? Qui ne voit aujourd’hui que, la mondialisation du capital s’étant politiquement concrétisée par le déferlement planétaire d’une contre-révolution libérale, ils fussent devenus, telle une digue que l’on n’avait jamais pu faire céder jusqu’alors, la cible d’une offensive en règle destinée à les anéantir ? Qui ne constate que cela a, en permanence, reproduit un immense sentiment d’inachèvement du processus né avec la prise de la Bastille et l’abolition des privilèges, au point que les évocations de la République n’aient cessé de marquer de leur empreinte toutes les irruptions populaires, jusqu’au récent soulèvement en faveur du droit à la retraite ?

 

L’objectif d’égalité n’a plus la moindre place dans une société où le partage des richesses n’a cessé d’avantager outrageusement les plus puissants depuis deux décennies. L’intérêt général se voit anéanti par la chasse aux pauvres, titulaires d’un revenu minimal ou travailleurs sans papiers condamnés à une quasi clandestinité, qu’un gouvernement au service exclusif des riches a odieusement déclenchée. La citoyenneté n’est plus qu’un mot vide de sens lorsqu’une droite de plus en plus influencée par son extrême désarticule le droit du sol, en distinguant les Français en fonction de l’ancienneté de leur rattachement au territoire. La laïcité s’avère menacée de pure et simple liquidation, dès lors que la sinistre philosophie du « choc des civilisations » et l’exaltation des prétendues origines chrétiennes de notre nation sert à légitimer les discriminations dont les musulmans sont l’objet. La souveraineté populaire est définitivement disloquée quand, en matière de choix budgétaires et au nom du « Pacte pour l’euro plus », on prétend soumettre le pouvoir d’un Parlement élu à la censure d’une camarilla bruxelloise n’ayant jamais eu à affronter le verdict des urnes. La vertu censée, depuis la destitution du monarque, guider le comportement de dirigeants respectueux du mandat qu’ils tiennent des citoyens, se révèle un conte de fées à l’épreuve du fonctionnement littéralement despotique d’une institution présidentielle poussant à son paroxysme la délégation de pouvoir et l’opacité des modes de fonctionnement.

 

RELEVER LA GAUCHE EN REFONDANT LA RÉPUBLIQUE

 

La gauche ne se relèvera qu’en s’attelant à une refondation républicaine impliquant nécessairement qu’elle consente à se confronter à l’oligarchie financière, nouvelle aristocratie de l’argent prospérant à la faveur de la globalisation capitaliste. Elle ne retrouvera le chemin du peuple qu’en se montrant fidèle à la volonté de ce dernier de sauvegarder des conquêtes constituant toujours un rempart face à l’âpreté aux gains des classes dirigeantes, à commencer par ces droits fondamentaux (au travail, à la santé ou à l’éducation), inscrits dans le préambule des Constitutions depuis 1946, et qu’il s’agit dorénavant de rendre effectifs.

Il n’est pas sans signification que, à l’initiative d’hommes et de femmes ne voulant à aucun prix renoncer aux valeurs qui les poussa à combattre le fascisme les armes à la main, le programme du Conseil national de la Résistance, qui s’intitulait Les jours heureux, devînt progressivement la référence d’un nouveau sursaut populaire. Il n’est pas davantage anecdotique qu’avec le Front de gauche, une part grandissante de la gauche adhère présentement à la perspective d’une Assemblée constituante dont la charge consisterait à jeter les bases d’une VI° République, enfin fidèle à ses promesses de démocratie politique et d’égalité sociale réelles.

 

« Pousser la République jusqu’au bout », jusqu’au sein de l’entreprise en s’affranchissant de ce mur invisible qu’entend dresser le droit de propriété capitaliste, avait préconisé Jaurès pour unifier le mouvement socialiste autour de l’objectif de la République sociale. Il ne faisait en cela que suivre les intuitions du vieux Marx constatant, lors de la révolution de 1848, que le principe républicain était, d’une certaine manière, devenu « la protestation vivante du prolétariat contre l’industrie bourgeoise, le crédit bourgeois et la République bourgeoise ». Ce qui fixait à la classe des travailleurs la mission historique de réaliser ses espérances.
Emportée par ses empressements gauchistes, ou bien aveuglée par sa croyance que l’exemple de l'Union soviétique lui offrait l’opportunité de se porter plus rapidement au niveau de son idéal, ou encore encline à sacrifier son patrimoine à l’illusion d’une conciliation avec un système n’ayant qu’exécration pour le message profondément subversif de la Révolution, la gauche oublia bien longtemps cette leçon. Le paradoxe est que celle-ci s’impose de nouveau à elle… À l’heure où un nouvel âge du capitalisme a plongé le mouvement ouvrier dans une crise de référents et de perspectives sans précédent… Mais où il confronte simultanément l’humanité à un défi de civilisation !

 

 

Source : http://moissacaucoeur.elunet.fr/index.php/post/17/07/2011/La-Republique-inachevee-et-de-nouveau-menaceePar-Christian-Picquet

 

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