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26 juin 2020 5 26 /06 /juin /2020 19:38
2 ans, c’est loin pour dire, prédire, ce qui adviendra lors des présidentielles.  
Pour l’heure, ce que je peux dire :
  • Extrapoler à partir des élections municipales, législatives, européennes, n’a pas de sens, et depuis longtemps.
  • Les abstentionnistes (même toujours plus nombreux) auront toujours tort dans le cadre actuel. La seule efficacité qu’ils pourraient avoir : faire la révolution. J’attends de voir.
  • Il est vrai que le parti de Marine le Pen ne subit plus de ressac entre les élections. Si elle arrive au pouvoir, Hollande, Macron, pour avoir constitutionnalisé les états d’urgence, fait voter des lois liberticides, lui auront bien préparé le terrain.
Exergue

 

 Source : https://francoiscocq.fr/2020/06/23/2022-la-politique-et-le-reel/#more-5685

 

 

Les sondages passent. Il y a ce qu’ils disent. Et ce qu’ils disent sans le dire. Celui réalisé par Ifop-Fiducial et qui concerne la présidentielle 2022 est de ce point de vue un cas d’école.

Alors bien sûr les sondages…un instantané…ne veut rien dire à deux ans d’une présidentielle…tant qu’on ne connait pas paysage…il peut se passer tellement de choses…tatati, tatata… Oui, tout cela est vrai mais n’empêche jamais de tirer quelques enseignements des enquêtes qui sortent.

A l’heure où tous les commentateurs vont s’arrêter soit sur le niveau élevé d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen au premier tour et disserter sur les résultats de leur possible second tour, il convient surtout d’inscrire cette enquête dans le réel. Ce sondage réalisé les 18 et 19 juin reprend à l’identique une précédente enquête réalisée par le même institut les 28 et 30 octobre 2019, il y a donc quasiment huit mois. Entre-temps, la réforme des retraites et le Covid-19 sont notamment passés par là. Une paille ! Or que constate-t-on ? Que les résultats sont inchangés. Pas juste proches avec quelques variantes. Non, invariables et sans dynamique propre où que ce soit. C’est un enseignement majeur : le réel, aussi animé, violent et structurant soit-il comme dans les mois qui viennent de s’écouler, ne trouve aujourd’hui ni expression ni débouché électoral. C’est un peu comme si le spectacle électoral et la vie des Françaises et des Français étaient des ensembles disjoints.

Il convient de bien mesurer ce que cela signifie : cela ne veut pas dire que le passé récent et le présent ne seront pas d’effets sur la présidentielle, bien au contraire ; cela signifie qu’ils n’ont pas encore irrigué la plaine car celle-ci demeure un désert aride que les citoyens jugent inhospitaliers à l’expression de leurs revendications. Le monde politique actuel est comme figé dans la naphtaline, considéré par les citoyens comme incapable d’être un réceptacle à la mutation du monde. Le temps du débouché politique viendra donc tôt ou tard fracasser cette torpeur et en rebattre les cartes, mais aucun dans le champ existant ne s’avère en être une incarnation. L’élection de 2022, si tant est que celle-ci ait lieu à cette date, aura donc une dimension disruptive, non plus comme une réponse à l’effondrement du bipartisme comme en 2017, mais comme bousculement pour sortir d’un immobilisme inefficace et stérile et pour se mettre en adéquation avec les mutations en cours des revendications populaires. La reproduction à l’identique de 2017 n’a pas de sens, pas de réalité, tel est le principal enseignement de cette enquête.

Pour le reste, force est de constater ce qui se vérifie d’enquêtes en élections depuis 2017, à savoir qu’Emmanuel Macron continue à bénéficier, qu’on le veuille ou non, d’un socle électoral. On peut constater au quotidien que Macron est détesté par une part – importante – de la population pour la politique qu’il met en œuvre et qu’il est donc clivant. Mais cela ne dit rien sur l’adhésion, ou le soutien, ou le recours qu’il peut constituer pour d’autres. Avant lui, Nicolas Sarkozy par exemple, était plus clivant encore à deux ans de la fin de leur mandat (réforme des retraites de 2010). Il n’a pourtant pas été loin de sauter François Hollande sur la ligne en 2012. D’autres enquêtes du week-end témoignent que l’assise de Macron, pour fragile qu’elle soit, reste supérieure à celle de ses prédécesseurs, François Hollande en tête totalement démonétisé politiquement dès 2015.

Emmanuel Macron continue surtout à bénéficier de la disparition de la démocratie-chrétienne et de la social-démocratie. Le candidat LR pointe après trois ans d’opposition à 12%, à peine 60% du score obtenu en 2017 par un François Fillon accablé par ses pratiques. Nul n’émerge à droite, les candidats testés, ici François Baroin et Xavier Bertrand, n’apportant rien au score de leur camp. Seul Edouard Philippe bénéficie d’une forme de reconnaissance (ou de cécité) or il a été capté par Macron. Quant au PS, il n’est plus même une force capable de concourir en tant que telle. Son premier secrétaire recueille un famélique 3% des intentions de votes, moitié moins que les 6% de Benoît Hamon, c’est dire !

D’une manière générale, le total gauche, prise au sens large et plus qu’hétérogène du terme, s’établit à 25% ! Une nouvelle étape a donc été franchie. J’avais analysé dans mon livre L’impératif démocratique les reculs successifs de celle-ci et j’avais mis cela en regard avec sa capacité à gagner la présidentielle à défaut de mener une politique de transformation économique et sociale : en 1978 trois ans avant l’arrivée à l’Elysée de Mitterrand, elle était à 45% ; en 2010 deux ans avant Hollande encore au-dessus de 40%. En  2019, elle avait sombré à un famélique 30% qui semblait un plancher. Même celui-ci s’est effondré et entérine l’incapacité majoritaire actuelle de ce bloc en tant que tel.

L’effondrement de la gauche va logiquement de pair avec celle de ses membres. Yannick Jadot plafonne ainsi à 8% alors qu’EELV bénéficie tout à la fois d’une dynamique électorale à la veille du second tour des élections municipales et que la crise du Covid remet un certain nombre de ses idées sur la table. C’est donc que structurellement EELV n’est pas jugé apte à recouvrir les aspirations populaires. Yannick Jadot n’incarne en rien une rupture et se trouve même macrono-compatible. Il ne représente dès lors pas un débouché recevable. De même Jean-Luc Mélenchon ne retrouve qu’un électeur sur deux ayant voté pour lui en 2017 (52%). Son omniprésence médiatique depuis trois mois s’est avérée d’effet nul, son score restant le même qu’avant la réforme des retraites et le Covid. Pire, les 11% qui hier étaient un socle permettant de se projeter apparaissent de plus en plus en l’absence de réserves de voix et d’une stratégie inopérante comme un plafond indépassable, même au prix d’une de ces campagnes dont il a le secret.

Et pendant ce temps, Marine Le Pen, elle, ne bouge pas. Elle n’apparaît pas plus en dynamique que les autres. Et surtout incapable de renverser Emmanuel Macron même en ces temps de fort désaveu pour celui-ci. Son potentiel d’attrait au 1er tour ne progresse donc pas plus que sa capacité à agréger les ressentiments à l’égard du pouvoir en place au 2nd tour. Il convient toutefois de noter qu’elle ne recule plus entre les élections : le temps est révolu où les poussées électorales du FN lors des scrutins devaient d’abord effacer le ressac qui se produisait entre ceux-ci. C’est un point d’alerte.

Dernier élément qui en réalité surplombe le tout : l’abstention n’apparaît pas ici. Le taux d’abstention en 2017 était déjà le troisième plus fort depuis 1962. Depuis, l’abstention s’est encore affermie aux législatives et a même été revendiquée politiquement pour ces municipales qui ont été maintenues (avec l’accord de toutes les forces !) au prix de celle-ci le 15 mars. Pour le second tour, elle est même annoncée à 62% (!) sans que cela émeuve aucun des grands démocrates qui se sont prêtés et se prêtent encore à cette tragédie électorale.

Cette enquête est donc plus riche en enseignements qu’il y paraît. Elle témoigne de la disjonction désormais manifeste entre la scène politique et la vie réelle. Cette séparation peut bien se poursuivre dans l’état d’atonie actuel où chacun reprend son souffle. Mais ses protagonistes auraient tort de miser sur son prolongement jusqu’à 2022. Les irruptions populaires se multiplient, les légitimités se discutent, la représentativité s’effrite. La démocratie minoritaire, délégative, et donc autoritaire, ultime remède pour asseoir les politiques néolibérales, est progressivement mise à nue tandis que la volonté populaire de retrouver sa capacité de décision se conjugue désormais avec un retour de l’intérêt général et la rupture avec la mondialisation sauvage. Les enquêtes de 2020 ne parlent de la présidentielle de 2022 que pour nous dire que c’est l’ordre ancien, incapable et inutile, qui est encore sous nos yeux. Et que celui-ci sera immanquablement balayé en 2022 par le réel.

François Cocq

 

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