De la forme, du fond, et du traquenard

En section, j’avais un camarade cheminot, représentant syndical, qui bégayait et dont les propos, piqués au bon sens de la réalité quotidienne, valaient mieux que ceux onctueux d’un président d’université qui s’écoutait parler. Tous deux, nous avons quitté le PS lorsque Rocard est devenu premier ministre, trop c’était trop, le président d’université est resté, avec lui ceux qui avaient la langue des baveux et qui, je le suppose, ont aujourd’hui rejoint Macron.

A choisir, j’ai toujours préféré le fond à la forme.

Tant mieux, si le fond s’allie à la belle forme.

Dans Face à Baba, le moment était à la forme, et même à la mauvaise. Ainsi le veut l’émission. Émission qui succède à d’autres du même acabit, du même Hanouna, et dont plus d’un raffole.

Il fallait donc s’y rendre préparé, car c’était l’occasion d’y rencontrer un large public, conscient toutefois que cela allait être les jeux du cirque.

La haine, dans cette émission, n’a pas fait défaut.

Mais que ne voit-on pas cette haine malodorante d’un Zemmour qui a pour tout programme politique le rejet de l’autre, celle fielleuse du partisan de Valérie Pécresse qui rabâche bêtement, malhonnêtement, la rengaine : Cuba, la Corée du nord, le Venezuela, ….  haines, à laquelle j’oppose la rage bien légitime face à l’outrance, la caricature, de Mélenchon qui défend l’opprimé, le toujours laissé pour compte dont l’un dit qu’il est un sans dents, l’autre un rien.

Et tout le monde de s’agiter dans le landernau politique et journalistique pour clouer comme d’hab Mélenchon au pilori et faire campagne politique. La photo de Mélenchon fulminant placardée : on peut jouir.

On ne pardonne rien à l’un, on pardonne tout aux autres.

On pardonne à celui qui, en toute tranquillité, dit nous emmerder, à ceux qui entendent utiliser le Kärcher. Normal, l’adresse est faite aux misérables, aux gueux. Le serait-elle contre ceux que Delapierre a appelé ‘les salauds’ qu’il y aurait crime de lèse-majesté. Voyez ces manants, comme ils parlent fort. C’est si vrai que les Zemmour et Cie de l’émission appelaient Mélenchon au respect sans eux-mêmes en faire démonstration.

Le piège, dans tout cela, c’est qu’une frange de l’électorat de Mélenchon se laisse abuser par la manœuvre qui tout au long de l’émission a consisté à dézinguer celui qui porte leurs couleurs. Alors le traquenard Hanouna aura fonctionné si quelques uns viennent en renfort de ceux qui détestent Mélenchon et du programme qu’il porte.

Vous êtes-vous demandé la raison pour laquelle Mélenchon est la cible sur laquelle la droite, les journaux s’acharnent ? Vous ne vous êtes jamais dit que c’est parce que c’est celui qui leur assène les coups les plus durs, celui dont ils craignent le plus électoralement. Non ? Dommage !

Je peux regretter que Mélenchon sorte parfois de ses gonds. Je le préfèrerais moins bouillant, plus glacial, plus acide. Mais là s’arrêtera ma critique. Je sais trop ce qu’il représente pour des millions de personnes comme moi. Je sais trop que s’il ne s’était pas dressé avec quelques autres, à ce jour la gauche serait morte, et ce qu’elle porte avec.

*

J’en étais là de mes considérations, lorsque j’ai reçu un coup de téléphone. « D’habitude on ne regarde pas Hanouna. Avec D. on a regardé, il y avait Mélenchon ». « Et alors ? ». « Il a été bien ». « Vous n’avez pas trouvé qu’il y était allé un peu…fort ». « Non ! Pourquoi ? Parce qu’il s’est emporté ? Tu as entendu les autres en face ! Pour une fois qu’il y en a un qui dit tout haut ce qu’on pense et qui nous défend et qui propose un autre monde que celui pourri qu’on a. Tu n’as pas aimé ? ».

Finalement, tout le monde n’a pas vécu la prestation de Mélenchon comme on voudrait nous donner à le croire. Il en est pour qui il demeure leur champion. Et c’est tant mieux.

Maintenant aux urnes. Et sans état d’âme.