‘Se protéger oui, mais à quel prix? Le philosophe italien Roberto Esposito est notre invité à l'occasion de la parution de "Immunitas : protection et négation de la vie" (Seuil, 2021), traduction d'un de ses ouvrages paru en 2002, où il se penche sur le lien entre "communauté" et "immunité".
Roberto Esposito est professeur de philosophie auprès de l’ « Istituto italiano di Scienze Umane » à Florence et à Naples. Il est membre du Collège international de philosophie. Parmi ses publications, ont été traduits en français Communitas (PUF, 2000), Catégories de l’impolitique (Seuil, 2005) et le recueil d’articles Communauté, immunité, biopolitique (Amsterdam, 2010).
Là où la communauté va lier les membres autour d'un engagement commun, l'im-munité les sépare. (Roberto Esposito)
Paraissait au mois de mars Immunitas. Protection et négation de la vie (“L’ordre philosophique”, Seuil, 04/03/2021), traduction d'un livre paru en 2002, Immunitas. Protezione e negazione della vita. Le deuxième volet d’une réflexion entamée avec Communitas (PUF, 2000) et qui se penche sur les liens entre l’immunité et la communauté.
L'immunité est construite et élaborée à l'inverse de la communauté. Les deux termes proviennent du "munus" latin : don, devoir; communitas, c'est le versant positif. (Roberto Esposito)
L'immunité, c'est le mot clé de notre époque. L'ère de l'immunologie, ce serait notre époque. (Roberto Esposito)
Selon l'auteur, conséquence de la pandémie de Covid-19, communauté et immunité semblent rencontrer "un point de coïncidence absolu". En outre, reprenant le concept de biopolitique exploré par Michel Foucault, il montre que les domaines du politique et du biologique se sont rejoints au point de structurer la politique d’aujourd’hui. Le lexique immunitaire avait déjà envahi toutes les sphères de la vie avant même cette pandémie, et l'espace public est aujourd'hui grandement régi par un vocabulaire dédié : vaccins, immunité collective, contamination... sont des mots que nous connaissons tous désormais. Désormais, le paradigme immunitaire mène les États à faire de la santé publique un enjeu politique, économique et administratif. Un essai d'une grande actualité, qui montre à quel point la sémantique médicale dicte sa loi à la politique.
Si les dispositifs immunitaires sont là, c'est parce qu'ils sont nécessaires. Mais tout est question de dosage : au-delà d'une certaine dose, l'immunisation va entraîner une crise de la vie sociale, parce qu'il y a aura des mécanismes de désocialisation. Elle risque aussi d'entraver certaines de nos libertés. (Roberto Esposito)’