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4 janvier 2021 1 04 /01 /janvier /2021 06:49

Mourons, et nous serons intouchables. Que dis-je ? Exemplaires. Il ne faut pas toucher à un mort. Mais le parer de vertus. Parce qu’on va jusque là.

Cela m’a toujours paru un manque de discernement, une déficience mentale, une hypocrisie totale. Le souvenir que nous devons garder des morts est celui de ce qu’ils ont été de leur vivant. La mort n’effectue pas une transmutation, pas plus que le plomb ne se transforme en or.

Dans les fadaises courtoises, il est cette autre, qu’on entend tous les jours, qui consiste à critiquer une politique mais en s’interdisant, on le dit haut et fort, de d’en prendre aux individus, comme si les individus n’étaient pas producteurs et metteurs en scène de cette politique.

L’article ci-dessous ne fait pas dans l’escroquerie.

Exergue

*

Source :The Telegraph, Daniel Hannan
 

La Constitution européenne est un condensé tout ce qui ne va pas à Bruxelles

Chaque fois que je voyais Valéry Giscard d’Estaing, une ligne de Mallarmé me venait en tête : « Si extraordinairement distingué, quand je lui dis bonjour, je me fais toujours l’effet de lui dire merde » [en français dans le texte, NdT]

C’est exactement ce que j’ai ressenti lorsque, au début de la Convention européenne en 2001, j’ai commis l’erreur de demander à l’ancien président français, décédé la semaine dernière, si son objectif était vraiment de reconnecter l’Europe à ses peuples, était-il logique qu’il réquisitionne la plus grande suite d’hôtel de Bruxelles, avec le salaire et les dépenses afférentes.

Sa réponse : « Il faut être à l’aise », m’a fait me sentir tout petit. Mais c’était aussi la voix authentique de l’élite européenne : pompeuse, hautaine, imbue d’elle-même.

La Convention européenne a été la dernière grande incursion de Giscard en politique. Vingt ans après avoir quitté l’Élysée et à quelques semaines de son 76e anniversaire, il voulait donner à l’UE cet attribut final et définitif d’un État, une constitution écrite. Réunis au domaine royal belge de Laeken, il a convoqué divers eurocrates et hauts dignitaires associés à ce qu’il a appelé « notre moment de Philadelphie », se comparant à Thomas Jefferson (de manière inexacte et prétentieuse puisque Jefferson n’était pas présent lors de la rédaction de la Constitution américaine, il était ambassadeur à Paris).

Il en est ressorti un document ouvertement destiné à achever la transformation de l’UE d’une association de nations en une fédération. Giscard et les autres auteurs, se considérant comme les pères fondateurs d’un nouvel État, se sont assis et ont attendu que les peuples d’Europe leur manifestent leur gratitude. Mais les peuples d’Europe avaient d’autres idées. Un référendum en France en mai 2005 a abouti à un vote négatif à 55/45 %. Deux semaines plus tard, les électeurs néerlandais ont exprimé un rejet encore plus catégorique : 62/38 %.

Ce qui s’est passé ensuite a résumé tout ce qui n’allait pas avec Bruxelles et a mis la Grande-Bretagne sur la voie du retrait. Les dirigeants européens auraient pu profiter de l’occasion pour proposer quelque chose de moins centralisateur. Au lieu de cela, ils ont choisi de faire adopter la Constitution à marche forcée. Les électeurs ont été traités non pas comme l’autorité suprême d’une démocratie, mais comme un obstacle gênant. Le texte a été légèrement mélangé, ses clauses ont été renumérotées et il s’appelle désormais « Traité de Lisbonne » plutôt que « Constitution européenne ». Les meilleurs juristes de Bruxelles et des capitales des pays alliés ont été mobilisés pour trouver des moyens d’éviter d’autres votes.

Ce qui est extraordinaire, c’est que Giscard a admis ce qui se passait. « Les propositions du traité constitutionnel », écrivait-il dans une lettre ouverte au Monde en 2007, « se retrouvent dans leur intégralité dans le Traité de Lisbonne, mais dans un ordre différent. » Et pourquoi ce relookage était-il nécessaire ? « Avant tout, pour éviter d’avoir des référendums. »

C’était du pur Giscard – si effrontément méprisant qu’il en était presque séduisant. C’était comme s’il jouait le rôle d’un Eurocrate méprisant. Et en vérité, il y a toujours eu un aspect spectaculaire dans la carrière de Giscard. Même s’il se considérait comme un libéral, sa politique était monarchique dans le style et impériale dans le fond. En tant que président, il était attaché au faste et au protocole, et il avait un faible particulier pour les grands projets financés par l’État : TGV, centrales nucléaires, Airbus.

C’était un anglophile à sa façon, ou du moins un admirateur d’une version anglaise de PG Wodehouse [auteur humoriste anglais, Giscard aurait pu faire partie des personnages qu’il décrivait, NdT], pleine de comtes et de demeures seigneuriales. Mais son insistance à défendre sa propre dignité ne peut être décrite qu’avec le mot français hauteur.

Vers la fin de sa vie, Giscard a acheté et restauré le château d’Estaing, petit village de l’Aveyron, comme pour justifier l’acquisition par son père du nom aristocratique « d’Estaing » deux ans avant sa naissance. À Bruxelles, comme à Paris, il était souvent la caricature snob de la façon dont un dirigeant est censé se comporter.

Napoléon aurait, selon un de ses biographes, « fait la faute de tous les arrivistes, celle d’avoir une trop haute opinion de la classe dans laquelle il s’était élevé. » Giscard avait certainement une opinion exagérée des élites européennes, convaincu qu’il était de leur devoir de corriger les erreurs d’une population ignorante. Mais finalement, il est difficile de dire mieux que Margaret Thatcher : « Si seulement, disait-elle, il avait vraiment été aussi éclairé qu’il le pensait. »

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