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8 avril 2020 3 08 /04 /avril /2020 12:26

La colère agit comme un anesthésiant. Elle se fixe sur le maintenant. Elle est un obstacle à la réflexion.

La colère ne doit pas être chaude, mais froide, tenace, opiniâtre, pour ne pas dire teigneuse, si on lui veut un aboutissement.

Les grands ‘évènements’ portent des changements. Il en va ainsi des pandémies, des catastrophes, comme des guerres.

Ces grands ‘événements’ ne sont pas de ceux qu’on souhaite voir advenir. Mais ils sont là, le plus souvent dus à la bêtise, la cupidité, la compétition, le désir de puissance (qui est écrasement des autres), ….

Il y a des changements heureux, d’autres qui ne le sont pas.

La catastrophe de Courrières c’est le repos hebdomadaire, la création du ministère du travail. La guerre de 14-18 : la chirurgie du cerveau et la guerre ‘moderne’, la SDN. Celle de 39-45 : l’avion à réaction, l’arme atomique, la guerre froide (équilibre de la terreur), le Programme National de la Résistance, la pénicilline (thérapie en 1941), l’ONU. Le tsunami en Indonésie est mis ‘à profit’ pour faire de villages de pêcheurs des stations touristiques pour consommateurs, tandis que l’ouragan Katrina est l’occasion de remodeler certaines villes de Louisiane en se débarrassant des quartiers noirs et des services publics au profit de la marchandisation privée. ………

De belles choses, d’autres qui ne le sont pas. Mais toujours une saloperie à la base.

La pandémie du coronavirus, c’est certain, s’inscrit dans ces grands ‘évènements’. Dans quel sens penchera l’avenir ? Cela dépendra de la permanence de la conscience que nous avons de ce qui se passe actuellement, et que chacun analyse. Cela dépendra de notre détermination à renverser la table. Cela dépendra de notre détermination plus grande que celle de ‘ceux d’en face’ qui ne se laisseront pas faire, qui d’adversaires deviennent des ennemis et alors que nous n’en souhaitons pas, l’ennemi étant celui qui ne vous laisse d’autre choix que l’asservissement ou la mort.

Observons ce qui se passe lors de cette pandémie qui fonctionne comme un laboratoire.

Elle permet de tester, grandeur nature : le télétravail, la téléconsultation, l’enseignement sans classes et sans profs devant les élèves, la surveillance de masse, …. Pour quelques uns, elle appelle même à une gouvernance mondiale.

Il restera quelque chose de tout cela.

Dans les secteurs où cela sera possible, le télétravail va s’installer. Il généralise la notion de charge de travail où il était compté des heures, pulvérise le groupe plutôt qu’il aide à sa construction, rend plus difficile le syndicalisme et laisse seul l’individu dans sa relation au patron, facilite la destruction du Code du travail déjà engagé, … Il est un moindre coût pour le patron, le domicile privé devenant le lieu de travail, l’énergie étant payée par le télétravailleur,….

Un médecin (il y en a de toutes sortes), sur un plateau de télé, observait (avec jubilation) que la téléconsultation qui, jusqu’alors, se mettait laborieusement en place, trouvait avec la pandémie un accélérateur (une hormone de croissance en quelque sorte). Elle existe déjà, depuis longtemps, aux États-Unis. Dans les pharmacies, en France, on commence à trouver des cabines de télémédecine. Il y a là de quoi effrayer. C’est la disparition de la relation humaine, celle de l’œil perspicace qui voit, à la rencontre proche du malade, ce qui ne lui est pas signalé. La disparition, pour le médecin, de la connaissance de la famille qui lui permet de déduire en prenant en compte les antécédents familiaux. C’est une médecine de gestion économique dans laquelle on n’aura pas besoin de relever le numérus clausus (Pour 1000 habitants en 2014 : 2,57 médecins aux USA, 3,24 en France, 7,52 à Cuba. Étonnant, non ?)  

Pour l’enseignement, c’est le rêve de Malraux qui se réalise : enseignement par téléconférence, sans contact avec les élèves, sans connaissance réelle des difficultés propres à chacun, sans prise en compte des difficultés socioéconomiques,….. avec diminution du nombre des enseignants car ces derniers n’ont pas besoin d’être nombreux pour s’adresser à un nombre d’élèves plus grand,…. Enseignants qui, pour Malraux, étaient l’accès à la crème.  Enseignants aujourd’hui généreux, dont je ne sais s’ils se rendent compte dans quel piège ils sont mis et à quelle expérience gouvernementale ils participent.  Concernant les élèves, il y aura perte de l’apprentissage du collectif, de la solidarité,… dès lors qu’ils seront chez eux,….

Dans la loi de modernisation de la justice sont prévues des machines à juger. Car, la justice aussi, il faut en assurer l’économie pour faire des économies. Au départ, pour les petits délits, les petites infractions. Mais on peut préjuger, l’intelligence artificielle (on devrait s’interroger sur le qualificatif) aidant, que le champ s’étendra. Ainsi en est-il déjà en Estonie. Alors adieu, les progrès du jugement éclairé, liés à la sociologie, à la psychanalyse,… qui ont introduit la notion de circonstances atténuantes. Adieu ! la plaidoirie, expression de l’intervention humaine talentueuse pour une justice humaine. Adieu ! à la jurisprudence, tributaire de l’art du plaider, dont il faut savoir qu’elle est moteur de l’évolution du droit. Ainsi retournerons-nous à l’époque révolutionnaire où à un délit correspond une peine, si ce n’est au Moyen-âge où la Justice dépend de l’humeur du Prince. Ce qu’il faut comprendre des ‘robots à juger’ c’est qu’ils jugeront mécaniquement en fonction des ingrédients (éléments de cuisine) dont ils auront été dotés. C’est la Justice aux ordres, poussée à ses limites. Et, lorsqu’on voit la manière politique dont la ministre (qui n’en est pas à son coup d’essai) intervient (prolongation des gardes à vue en dérogeant au cadre juridique, …) auprès des magistrats, nous avons du souci à nous faire.

Que dire aussi du suivi des individus par géolocalisation, des ‘ausweis papier bitte’ du moment qui renvoient au rêve pour les uns, au cauchemar pour les autres, de la surveillance de masse, aujourd’hui pour lutter contre la pandémie, demain pour savoir où seront les troublions assignés à résidence comme le furent les interdits de manifester. Il est probable que cela dure. Surtout ! Surtout lorsqu’on voit qu’Orange propose ses services, que des plateformes internautiques ont déjà la main à la pâte.

Ce qui risque de durer encore c’est le goût de l’encadrement des masses qui vont devoir devenir obéissantes, et il y a les moyens pour cela, la France étant devenue un des pays les plus policiers du monde. Avec des policiers qui ont fait leurs preuves, aux exceptions près, lors des dernières manifestations. Des policiers qui, pour beaucoup, ont pris goût à leur ‘sacerdoce’ car ils sont dans la toute puissance jouissive. Souvenons-nous de toutes les Guardia Civil, de toutes les Stasi, qui ont accompagné avec zèle tous les gouvernements autoritaires, tous les états totalitaires, toutes les dictatures (Franco, Pinochet,…).

Il faut ajouter à cela le goût de gouverner sans Parlement, par ordonnances, dont les dirigeants libéraux sont friands, dont ils ne seront pas prêts de se défaire, et qui conduit insidieusement au totalitarisme.

En matière de droit du travail, au prétexte déjà formulé d’assurer l’activité économique, puis à celui de permettre ‘la reprise’, le nombre d’heures travaillées en augmentation, au regard de la dernière dérogation, deviendra la règle, et peut-être même ira-t-on progressivement vers la suppression du droit de grève.

Tout ceci, le gouvernement le met en place. Ça passe en douceur, sans qu’on s’en aperçoive, sans que nous en ayons conscience, obnubilés que nous sommes à l’instant de la pseudo guerre contre le Covit19.

Tout ceci, et tout ce à quoi on ne pense pas encore, n’est pas le regard de quelqu’un de pessimiste, mais celui de quelqu’un qui soulève les pierres pour tenter d’apercevoir ce qu’il y a dessous.

Alors ! une chose. Il faut se souvenir que Clémenceau et Churchill, qui pourtant, eux, n’avaient pas démérité lors des conflits armés, n’ont pas été élus au lendemain de leur passage au pouvoir. Si nous sommes sages, si la grande colère qui nous habite en ce moment ne s’est pas éteinte avec la fin de la pandémie, ce qui peut arriver, il nous faudra renvoyer électoralement aux latrines ceux qui nous gouvernent et, pour purger le contentieux, instruire leur procès, comme furent instruits des procès au lendemain de 1945. Sinon ! Nous nous exposerons à la grande régression dont il est fait état au début de ces lignes.

Ce qui pourrait changer en positif :

  • Revoir les métiers et, en fonction de leur utilité réelle, augmenter financièrement les uns et diminuer les autres, et même en supprimer certains (traders,…)
  • Donner ou redonner du peps au syndicalisme, notamment auprès des personnels des métiers dits de care (à prononcer à l’anglo-saxonne, ça plus joli, même si ça ne rapporte pas gros) dont en ce moment nous nous rendons compte de leur importance.
  • Revoir la politique hospitalière, celle de l’école, des services publics,…
  • Revoir la presse qui devrait-être l’outil qui éveille tandis qu’il est celui qui asservit.
  • En finir avec l’État d’exception qui n’en finit pas d’inscrire dans la Constitution toutes les urgences qui passent par la tête de nos gouvernants, ceci allant même jusqu’à mettre la Constitution entre-parenthèses (avec la complicité de Conseil constitutionnel – une première), faisant de cette dernière le cadre de la servitude alors que ce devrait être la garantie et le rempart de la liberté. 
  • Une prise de conscience réelle

* de la nécessité du collectif et de l’absurdité de l’individualisme

* de la nécessité de la présence d’un État prévoyant qui pilote l’économie en fonction des besoins réels

* que la globalisation c’est la gouvernance des superstructures financières, économiques (avant goût avec les tribunaux d’arbitrage) et non celle du démos.

*qu’il vaut mieux plein de petits pays qui sont autant de poches de résistance à un pays mondial qui ne peut-être que totalitaire.

* que le capitalisme est le problème pas la solution

* que la démocratie vaut mieux qu’un césar mégalo et parano

  • Une prise de conscience que les catastrophes à venir (financières, épidémiques, écologiques,…) vont s’imbriquer, se précipiter et qu’il faut les prévenir et s’y préparer.

 

L’après pandémie du coronavirus sera ce que nous en ferons ou ce que nous en laisserons faire. Nous allons être à l’heure du choix. Nous y sommes déjà.

Le plat ne repassera pas deux fois.

J’ai conscience que ce qui précède est incomplet, devrait être davantage fouillé. C’est une mise en garde, un essai. Chacun peut s’en emparer. L’élargir. Mais nous aurons ce que nous aurons mérité.

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