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29 mai 2016 7 29 /05 /mai /2016 06:47

Certes, il convient d’aider les grévistes à tenir le coup financièrement, raison pour laquelle était proposé autrefois, à la fin des manifestations, un drap où chacun apportait une contribution solidaire. De ce point de vue la proposition : ‘la grève par procuration’ pour les explications fournies mérite d’être prise en considération. Il n’empêche qu’il n’est jamais bon de faire sous-traiter, ça dédouane un peu trop facilement de la responsabilité qu’on a à prendre, ça contribue aux yeux de l’opinion publique à faire davantage porter le poids sur certains secteurs de travailleurs qui sont déjà l’objet de critiques, ça fait penser à ceux qui jadis payaient pour envoyer les autres faire le service militaire ou la guerre à leur place. Enfin, si la durée d’une grève est importante, le nombre des grévistes ne l’est pas moins.

Exergue

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Source : http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-greve-par-procuration-est-181308#forum4582684

par André Martin (son site)


vendredi 27 mai 2016

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A la 8ème journée de mobilisation contre la loi travail, nous sommes quasiment dans la même situation qu’en octobre 2010. A l’époque, 7 journées de mobilisations de grande ampleur, soutenues par 75% des Français, n’avaient pas permis d’obtenir le retrait de la réforme Sarkozy des retraites. Une petite différence entre 2010 et 2016 : les mobilisations contre la loi travail ont conduit à quelques concessions à la marge de la part de l’exécutif. Une autre différence, très importante du point de vue de la démocratie, c’est que la loi travail vient d’être adoptée en 1ère lecture sans aucun débat à l’Assemblée Nationale, par usage du 49-3.

L’inversion de la hiérarchie des normes contenue dans l’article 2 du projet de loi est gravissime puisque ce serait le début de la fin du droit du travail. De la même façon que ce serait la fin du code de la route si on autorisait chaque ville à y déroger sur certains points. Ou la fin du code pénal si on autorisait chaque département à y déroger sur certains points.

Quand une réforme est désapprouvée par 75% des Français, qu’elle est imposée par un coup de force à l’AN, et en plus par un Président et un Premier Ministre qui n’ont plus la confiance des Français, il doit bien avoir des solutions pour obtenir le retrait de cette réforme. Aujourd’hui, il suffirait que les dirigeants de la CGT, de FO, de Solidaires, de la FSU, de l’UNEF ... acceptent de reconnaitre pourquoi et à quel moment ils ont « perdu le match » en 2010. Rien n’indique malheureusement qu’ils se soient seulement posé la question.

Le match a été perdu en octobre 2010 quand, après 6 grandes journées de mobilisation, l’amplification de la grève dans quelques secteurs stratégiques (SNCF, raffineries, routiers et quelques autres secteurs) a été décidée, mais sans que les directions syndicales n’organisent un soutien financier massif, national et rapide aux salariés en grève. Car il était évident que, sans ce soutien financier, les grévistes ne pourraient pas tenir longtemps. Explications complémentaires dans « Adresse du 20 octobre 2010 à Bernard Thibault, François Chérèque et Jean-Claude Mailly »

Le refus d’organiser le soutien financier massif aux salariés en grève dans les secteurs stratégiques, au motif que cela s’apparente effectivement à une forme de grève « par procuration » c’est l’erreur principale qui a conduit à « perdre le match » en octobre 2010. La 8ème journée de mobilisation contre la loi travail montre à nouveau que seule la grève illimitée dans quelques secteurs susceptibles de bloquer l’économie peut faire reculer Hollande et Valls sur la loi travail. , la CGT, FO et Solidaires vont-ils refaire la même erreur qu’en 2010 ? On aura la réponse avant fin mai.

Les profonds changements intervenus au niveau de l’organisation du travail et du management des entreprises font que des millions de salariés jugent improbable de pouvoir obtenir le retrait d’un projet de loi par la méthode classique et ancienne de la grève dans un maximum de secteurs. La preuve en a été apportée en 2010. Il suffit de regarder et de parler autour de soi, sans a priori idéologique (exercice quasi impossible pour les militants très engagés), pour arriver aux constats suivants :

  • des millions de Français ne peuvent pas faire grève, ou n’osent pas faire grève, ou jugent que ça ne ferait ni chaud ni froid à leur employeur. Mais des millions sont prêts à peser très fort, si les directions syndicales sont capables de leur proposer des modalités efficaces de soutien financier aux grévistes de quelques secteurs stratégiques
  • il y a ceux, très nombreux, que l’on entend déclarer lors d’interviews : « j’ai 2 enfants, 3 crédits … je voudrais bien faire grève, mais je ne peux pas me permettre de perdre 80 euros par jour ». Cette réalité dramatique, Sarkozy, Hollande, Valls et le Medef la connaissent bien et en déduisent à juste titre que des grèves massives et généralisées sont très improbables
  • de nombreux salariés du privé n’osent pas se lancer dans une grève de plusieurs jours et se limitent souvent à des débrayages pour aller aux manifestations. Mais n’oublions pas que 5 à 10% de grévistes pendant 2 jours, dans une entreprise du privé, ça ne fait généralement ni chaud ni froid à l’employeur. Les salariés sont même contraints de rattraper ensuite leur boulot en retard ! Et les directions en profitent pour repérer ceux qui osent relever la tête et s’en souviendront lors des augmentations de rémunération aujourd’hui totalement individualisées et discrétionnaires. Ces situations sont très majoritaires chez les cadres et les techniciens. Dans de tels cas de figure, il est certainement plus utile et plus habile que ces salariés puissent verser à une caisse de solidarité aux grévistes une partie des 1, 2 ou 3 jours de salaire qu’ils étaient prêts à sacrifier
  • il en est exactement de même dans beaucoup de secteurs de la Fonction Publique : si les salariés perdent des jours de salaires, l’employeur n’en a rien à cirer. Mieux, il se frotte les mains puisqu’il fait des économies
  • il en est de même pour les retraités qui ne peuvent pas utiliser le levier de la grève

La solidarité financière avec les grévistes des secteurs stratégiques doit donc être organisée immédiatement par les dirigeants de la CGT, de FO, de Solidaires, de la FSU et de l’UNEF. Par un appel national unitaire expliquant l’organisation rigoureuse et transparente des collectes de soutien dans un maximum d’entreprises, de réunions et de lieux publiques.

Une telle action permet aussi de mesurer et de montrer le niveau de sympathie et de soutien dont bénéficient les salariés en grève reconductible.

Cette stratégie adéquate permettrait non seulement d’obtenir le retrait au moins des articles les plus dangereux de la loi travail. Mais, plus important encore, cela montrerait à nos dirigeants actuels et futurs que les organisations syndicales, les associations et les citoyens progressistes ont enfin trouvé la bonne méthode pour bloquer les réformes antisociales et s’opposer aux coups de force antidémocratiques. Enfin, cela éviterait que les millions de militants et de citoyens qui se sont mobilisés et ont fait des sacrifices (pertes de salaires pour les grévistes) éprouvent une nouvelle fois un énorme sentiment d’échec. Ce qui ne manquerait pas d’en dissuader beaucoup de se mobiliser à l’avenir et même de se syndiquer. Il y va donc aussi de l’avenir des organisations syndicales.

Sur l’efficacité du soutien financier aux grévistes, lire « Pour collecter 90 millions d’euros au profit des salariés en grève, il suffirait que 25 % des Français qui les soutiennent versent en moyenne 10 euros »

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