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7 avril 2010 3 07 /04 /avril /2010 05:40

 

Il y a de lointaines années, lorsque je faisais mes humanités (expression désuète qui signe le temps qui change), nous avions servi sur la table un infâme picrate. Une bouteille ¾ pour 8, pas de quoi faire des folies. Une bouteille culottée qui repartait aussi enceinte qu’elle était arrivée, nul ne se précipitant pour l’accoucher du liquide violacé et acide droit sorti d’un encrier. Quel mécréant approvisionnait le lycée et retournait se cacher en sa tanière et qui, s’il avait rencontré Jésus, aurait dégoûté ce dernier de la transmutation de l’eau en vin ? Aussi n’ai-je entamé ma carrière de buveur de vin que du bout des lèvres, à 14 ans, l’expérience recueillie m’ayant détournée un temps du breuvage mieux qu’une campagne anti-alcoolique.

Je me suis renseigné. On ne sert plus de vin dans les établissements scolaires, pays de vin ou pas. Nos adolescents sont au régime javellisé. J’imagine que ce n’est point parce que le corps médical a découvert qu’il était cause de perforation stomacale mais parce que les hygiénistes, vraisemblablement apparentés à ceux que Fernando Savater appelle les théocons, ont fourbi longuement et patiemment leur mauvais coup.

Le nombre d’alcooliques en pays viticole a toujours était dérisoire, largement inférieur à celui qui sévissait en d’autres régions non productrices de la boisson divine. C’est dire que ce n’est pas le vin qui fait mal mais sa méconnaissance, sa mauvaise fréquentation liée à l’absence d’éducation car pour assimiler avec bonheur il faut être préparé.

Ainsi, depuis que le vin a été délogé des tables scolaires, interdit d’avoir pignon sur rue, la nature humaine ayant horreur du vide, la jeunesse achète de la bière en pack au magasin du coin.

Puisque j’en suis aux souvenirs, les fêtes de village auxquelles je participais proposaient elles aussi de boire du jus de treille. Il s’appelait muscat. Mon appétence à son égard n’était pas au rendez-vous. Trop sucré. Mais j’y sacrifiais volontiers à la buvette avec mes compagnons. Désormais c’est à la bière que la jeunesse carbure en boite, et au ouisqui, en quantité fort déraisonnable. Les faces de mi-carême ont de la sorte, dans leur zèle infini, précipités à l’abîme ceux qu’ils voulaient sauver.

Pour tout vous dire j’ai horreur d’un monde lisse et je défends quiconque de m’y contraindre. Je bois. Ma dose quotidienne. Et plus, les jours de fête. Si je suis alcoolique, je le suis à l’ancienne. Je célèbre Dionysos, Bacchus. Dieux méritants et gais. Il m’est arrivé d’être saoul. Je le suis moins aujourd’hui car mes cheveux vieillissants ne supportent plus la charge alcoolique. Je bois par goût des terroirs et m’évertue à les distinguer. Je bois pour célébrer l’amitié en levant le calice. Chez tel, le ouisqui (pourquoi pas !) parce que c’est sa boisson apéritive, chez tel autre le pastis, toujours parce que c’est sa préférence et que c’est l’été. Cependant, je préfère le vin, y compris en entrée au moment où se consomment olives, anchois ou autres amuse-gueules ; ceci depuis que les parents ont désertés la planète et ne contribuent plus, vendanges passées, à l’élaboration de la carthagène douce et du quinquina amer.

Un de mes beaux-fils, de ce point de vue longtemps en manque d’éducation, s’est mis au vin. Il y trouve son content. Cela n’en fait un ivrongne (ancien mot de ivrogne), dont l’anagramme comme l’observe Oberlé est celui de vigneron. Il a découvert en Gironde la coutume d’apporter, lorsqu’on est invité au repas, à l’hôtesse un bouquet de fleurs, à l’hôte une bouteille. Car ce n’est point parce qu’on est en pays de vin qu’on doit s’exempter de partager la connaissance ; coutume qui fait défaut en notre région et des vignerons des viticulteurs peu curieux du vin. Cela change.

Oui ! Tout est affaire d'apprentissage. Il est fort probable que nous aurions moins de problèmes si notre jeunesse était éduquée à boire du vin. Le vin est notre culture. Donnons aux jeunes à l’ignorer, à la mépriser, ils en prendront une autre. Il n’est pas sûr que les résultats soient meilleurs. Aussi, préconiserais-je de redonner à boire du vin dans les établissements scolaires, et du bon, plutôt que de le prohiber. Tout le monde aurait à y gagner. Il n’est jamais bon d’interdire ; ici, comme dans d’autres domaines, la meilleure des préventions est l’éducation.

 

Pour votre usage personnel, si vous le permettez, avec le fromage préférez un blanc sec au rouge, hormis peut-être sur le Roquefort, le goût de l’un et de l’autre en seront rehaussés. Sur une pâtisserie jamais de sucré, c’est une hérésie qui surcharge les papilles. Avec une salade nette, jamais de vin, l’acidité du vinaigre de la première gâche le second, à moins qu’il n’y ait quelques gésiers auquel cas le vin aura l’effet d’heurter heureusement les graisses et vous aidera à digérer. En montagne, le rouge s’impose ; je ne sais pourquoi il prend de l’âge avec l’altitude.

Naturellement, tout ceci avec discernement.

 

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